Gallmeister, 2018 , 420 pages.
Au-dessus de Pendarosa, dans les montagnes de l'Idaho.
Ann a épousé Wade, un an après qu’un événement tragique se soit produit un après-midi d’aout, lorsqu’il allait couper du bois pour l’hiver accompagné de Jenny sa femme, et de leurs deux petites filles . Jenny, a tué May, six ans, d’un coup de machette.
Le récit tourne autour du drame; Ann s’efforce de le comprendre, et le revit obsessionnellement, d'autant plus qu'elle n'y a pas assisté, et que son mari ne veut pas en parler. On a l'impression qu'elle éprouve de la culpabilité.
Le temps de la narration s'étend de 1970 ( Wade et sa femme faisaient connaissance)à 2025, un épilogue qui semble satisfaire les protagonistes ! mais le lecteur... peut-être pas . A vous de voir!
Entre ces deux dates, les scènes sont nombreuses et nous transportent dans des lieux divers.
A partir des années 2000, Ann aide tant bien que mal Wade à vivre, il est atteint d’Alzheimer précoce, comme son père et son grand-père avant lui. Il y a aussi Jenny en prison à perpétuité , avec Elizabeth sa compagne de cellule qui devient son amie. Car, Ann n'est pas la seule narratrice du roman...
Les différents récits s’organisent autour de l’événement tragique survenu en 1995, et que, progressant dans la lecture, on ne comprend toujours pas . La mère aimait ses deux filles et s’était toujours comportée normalement avec elles. Au début, j'ai même cru que Jenny s'accusait pour couvrir quelqu’un. Personne d’extérieur à la famille, n’a assisté à l’homicide de la petite May , et la mère s’est accusée immédiatement sans s’expliquer. La fille ainée a disparu .Les explications et tentatives de reconstitution d'Ann, tendent à suggérer, de la part de Jenny, un terrible acte manqué.
On a un récit des commencements de la vie du couple initial, qui a acheté la maison et plusieurs hectares de terrain dans la montagne lorsque Jenny était enceinte. Leur hiver , leur printemps et les premiers mois du bébé, leurs sentiments ambigus pour une femme qu’ils ne connaîtront jamais, l'apprentissage d'une existence rurale âpre , ses difficultés et ses joies. Ce récit ( sans doute le meilleur du roman) est-il imaginé par Ann? Je le crois trop précis pour cela. Je ne sais trop qui en est le narrateur...
Plusieurs autres récits, avant le drame, concernent May et son désarroi lorsque sa sœur qui grandit, n’est plus tout à fait la même partenaire de jeu. D’autres, la survie de leur mère en prison. Mais la narratrice étant sa compagne de cellule à qui elle ne se confie pas, nous ignorons ce qu’elle pense.
Certains récits se révèlent sans rapport avec l’intrigue principale, bien qu’on ait pensé, d'abord, qu’ils y étaient liés : l’avenir du garçon dont June( la fille aînée âgée de 9 ans) était amoureuse et son drame à lui.
La vie d’Elizabeth la compagne de la mère , ne nous intéresse que lorsqu’elles apprennent à se connaître , or on a droit à un long récit de la vie d’Elizabeth avant qu’elle n’intègre la cellule de Jenny…
Le texte regorge de réminiscences, de rêves éveillés, de souvenirs, et d’évocations : que serait devenue la fillette disparue ? A quoi ressemblerait-elle, que ferait-elle aujourd’hui ?
Ann vit avec les fantômes des absents. Sa vie avec Wade n'est pas une nouvelle existence, elle ne fait qu'imaginer le passé d'un homme qu'elle aimait depuis longtemps, mais qu'elle a épousé dans des circonstances néfastes ; il n'a pas refait sa vie, et elle a oublié de vivre la sienne.
Un premier roman très travaillé, parfois on sent l'application de la bonne copie, la lourdeur de répétitions, mais la richesse du propos est indéniable. L'impression dominante est négative : c'est éprouvant, frustrant, plein de rêves et de cauchemars, parfois bien rendus. Évidemment, pour un premier roman, c'est prometteur !
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