Fabrice Luchini Germain ; Ernst Umhauer : Claude ; Kristin Scott-Thomas : la femme de Germain ; Emmanuelle Seigner : la femme des « Rapha » ; JF Balmer : le proviseur du Lycée.
Germain est prof de lettres dans un Lycée. Il a une classe de seconde C particulièrement nulle en français : ils font encore des rédactions comme au collège, avec le type de sujet qu’on donne aux élèves de 6 eme 5 eme : Qu’avez-vous fait ce week-end ? Faites le portrait de votre meilleur ami…
Et les résultats sont très faibles. Seul un nouvel élève, Claude, réussit à écrire une vraie rédaction : il est allé chez son ami Raphaël ( Rapha) pour l’aider à faire des maths. Il décrit la famille « Rapha » de façon ironique, y compris son « ami » pour qui il n’a guère d’estime, en soulignant leurs faits et gestes banals de « famille de classe moyenne ». La rédac s’achève par « A suivre ».
Le texte est assez drôle, quoique méchant. On se souvient d’en avoir écrit de semblables, ado, mais aucun adulte ne les lisait !
Le prof est enchanté d’avoir un élève qui sait écrire. Il y attache une importance démesurée, au point de vouloir aider Claude à écrire davantage, et voir en lui un romancier en herbe. Il lui donne des cours particuliers gratuits, discute avec lui du « feuilleton » sur les Rapha, qui semble le passionner, et le donne à lire à sa femme, réticente, mais amusée au début.
On voit tout de suite que Germain a de gros problèmes. Il se passionne pour la littérature, mais n’a personne avec qui échanger sur ce sujet. Pas de collègues intéressés, pas d’amis lui ressemblant, il ne collabore pas à des revues, et n’écrit pas lui-même (il n’y réussit pas). Il ne s’entend pas très bien avec sa femme, qui tient une galerie d’art et n’arrive pas à y exposer autre chose que de ridicules caricatures d’œuvres.
Isolé, et bizarrement naïf, Germain idéalise son élève, et ne vit plus que pour ce feuilleton, alors même que le spectateur commence à s’ennuyer un peu de ce récit, après tout bien conventionnel...Claude, voyant qu’il a du pouvoir sur l’adulte, en profite : il réussit à faire du tort à Germain ; il monte Rapha ( son camarade pas très malin) contre le prof qu’il déteste. Il vérifie son pouvoir : inclut Germain et sa femme dans son roman, avec des propos peu flatteurs (Germain adore se faire insulter par Claude sous prétexte de fiction, et sa femme commence à tiquer), annonce dans son feuilleton une catastrophe, le prof y croit et panique !
Du coup, l’attention du spectateur est relancée. Jusqu’où ira Claude ? Qu’y-a-t-il de vrai dans ce qu’il raconte ? Pas grand-chose, soupçonne-t-on ! Il n’a sûrement pas séduit la femme Rapha, encore moins l’autre femme, qui pourtant le laisse croire à Germain, pour se venger de lui. Tout ce qui relève de la séduction d’une personne dans le récit du jeune garçon, je n’y crois pas… on a comparé ce film à Théorème… mais même Théorème, je n’y croyais pas, cela me faisait l’effet d’une énorme farce.
A partir d’un certain moment, on ne sait plus ce qui relève de la fiction relatée par Claude, et ce qui doit être considéré comme la vérité ( heu… la vérité de la fiction). Qu’on puisse mélanger les deux est une constante de ce procédé qui consiste à raconter une histoire dans l’histoire.
A la fin, Germain, suspendu de son poste, et quitté par sa femme, s’est plus ou moins clochardisé. On le retrouve sur un banc du parc à observer les maisons d’en face. Son ex-élève le rejoint sur le banc. Tous deux fantasment à propos de deux femmes qui se disputent sur un balcon. Puis la nuit vient et les immeubles d’en face sont illuminées devant les deux spectateurs. L’allusion à Fenêtre sur cour me paraît explicite.
C’est une fin un peu bizarre mais pas illogique. Germain y apparaît tel qu’il était au départ (solitaire, isolé, sans but ni projet) mais ouvertement : il n’a plus son métier mais il ne l’aimait pas ; ni sa femme ; mais il ne s’entendait pas avec elle. Il se raconte des histoires ; son ex-élève l’aide à fantasmer. Lui non plus n’a rien de mieux à faire, semble-t-il…