Seuil 2013, 362 pages.
La narratrice évoque trois amies qui lui furent chères et qu’elle rencontra entre 16 et 18 ans au Lycée ou à l’université. C’est encore jeune, qu’elle les a perdues de vue, ou perdu tout court. Florence, Suzanne et Judith l’ont marquée à vie.
Trois femmes ! sont-ce les Moires, les Parques ???
L’évolution de la vie des trois amies et de la relation avec la narratrice donne lieu plusieurs chapitres : sentiment de l’innocence, la perception de l’existence, le sentiment sexuel, le surgissement du réel, le temps des désillusions. C’est là une approche plutôt philosophique de ce qu’elle sait de ses trois amies, ce savoir englobant leurs enfances, les moments où elle les fréquenta (quelques années intenses), et ce qu’elles sont devenues.
Voulant donner une vision complète des trois femmes, la narratrice raconte aussi l’histoire de leurs parents (voire de leurs grands-parents) . Cela m’a induite quelque peu en erreur au début. De sa rencontre initiale avec Florence, La narratrice opère un soudain glissement, de sorte que je croyais lire la vie de Florence alors que c’était celle de sa mère ! Ensuite on s’habitue à ces glissements narratifs.
Ce sont de beaux hommages à ces trois amies. Il est bien sûr question de l’effervescence intellectuelle qui entoura mai 68 et se poursuivit tout au long de la décennie suivante, pour décroître petit à petit. La narratrice est ses trois amies eurent l’occasion d’y participer. Avec Florence le festival d’Avignon et les turbulences du Living Theatre, avec Suzanne les cours de Deleuze et les expériences à la clinique de La Borde, avec Judith les séminaires de Lacan, Julia Kristeva, Benveniste. Les trois femmes sont différentes mais se ressemblent pourtant en quelques points : elles sont aventureuses, ont le goût du risque, se mettent volontiers en danger, se comportent de façon très « libérée » et la narratrice, toujours un peu en retrait, les admire, les accompagne et finit par ne plus les suivre…
La façon dont ces trois amitiés si originales, tournent court assez vite pour des raisons diverses, autodestruction, mauvais destin, traumatisme suite à une maladie, induit une profonde tristesse.
Au moins la narratrice peut se souvenir de ses amies en revivant des moments forts et de riches expériences, des moments encore perçus comme valables ; aucune de ses amies ne l’a trahie, méprisée, ou rejetée, et pour elle l’amitié n’est pas un vain mot.
Je n’ai pas reçu ce récit comme un roman. J’ai l’impression que l’auteure a utilisé ses souvenirs ( et peut-être enquêté pour approfondir) et n’a pas eu vraiment recours à la fiction. Pas davantage que dans le récit « A ce soir » , que j’ai également aimé. Chacun de ces destins de femme pourrait donner lieu à un roman, ou une biographie plus longue. On le souhaite car on s’est attaché à elles.
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