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3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 20:31

Philippe Rey, 563 pages.

Mudwoman est un surnom ironique, pour une femme ayant connu un destin hors norme. Chaque titre de chapitre reprend ce surnom ( Mudgirl pour l’enfance et adolescence) suivi d’un fait particulier « Mudgirl sauvée par le Roi des Corbeaux » ; « Mudwoman fait une découverte »…

Ces entrées en matière font penser à un roman feuilleton, dans lequel l’héroïne de livrerait à certaines prouesses, vivrait des aventures exceptionnelles, ou encore à certains récits réservés aux enfants.

En fait si l’histoire de « Mudwoman » est par certain côtés extraordinaire, elle est aussi désolante et semée d’échecs, et se déroule tantôt dans un imaginaire horrifique qu’il lui plaît de reconstituer, tantôt dans une enfance fangeuse, tantôt dans le monde de tous les jours, rationnel et pas moins impitoyable.

Maltraitée par une mère aliénée, qui cherche à la noyer dans un marécage (elle converse avec Dieu et lui dit "Je Te la rend" en jetant la gamine dans la boue) la fillette est sauvée tout de même. Comme dans la Bible, Isaac ne fut pas sacrifié, physiquement en tout cas.

Comme dans bien des légendes, les êtres humains sont nés de la boue ( on dit aussi le limon), la petite Jedina subit une deuxième naissance ; elle se renomme elle-même Jewell ( c’est le nom de sa sœur qu'elle espère mieux traitée... et puis Jewell fait signe à Jewel, objet précieux).

Elle deviendra pour l’état civil « Meredith Ruth Neukirchen « . Le couple qui l’a adoptée, lui garantit une existence à l’abri du besoin et lui donne de l’affection. Mais Meredith découvre qu’elle ne fait que compenser la perte de leur enfant morte quelques années auparavant, et qu'il est interdit de parler du passé. " C'est Dieu qui t'a donné à nous" lui répète sa mère adoptive.

De fil en aiguille, l’héroïne est devenue M.R. Neukirchen, enseignante dans l'enseignement supérieur, puis présidente d’une grande université. Dieu est absent à présent... Nous voilà en 2002, et elle doit prononcer son discours d’inauguration, mais au même moment elle se sent attirée par cette rivière marécageuse où se fit autrefois son terrible baptême, et s’égare dans ces contrées aux paysages tout de même magnifiques. Chaque fois qu’une responsabilité lui incombe concernant ses nouvelles fonctions, elle retourne à son enfance, se voit couverte de boue, recherche des vestiges du passé, ou s’invente une aventure incroyable, par le biais du rêve. Le lecteur a envie de croire à certaine de ces aventures (par exemple Mudwoman In extremis, digne d’un fabuleux thriller). Si seulement cet épisode avait vraiment eu lieu!

En fait Mudwoman rêve d'agression et de viol ( le thème est omniprésent dans tous les romans de Oates...) et dans la vie, elle cherche à se trouver en mauvaise posture.

L’idée de l’auteur, est visiblement de jongler entre le mythe, le roman de formation, et la critique sociale (concernant les infâmes collègues de travail de MR, conservateurs, misogynes, négationnistes, et la situation troublée des USA sur fond de guerre d’Irak). Tout cela est très bien conçu… pourtant je n’ai pas tellement aimé le roman et j'ai même failli le lâcher plusieurs fois.

L’enfance et l’adolescence m’ont plu , ainsi que certaines des divagations de l’héroïne, les descriptions de paysage, son mal-être dans une certaine mesure, mais je n’arrive pas à croire à Mudwoman présidente d’université, cela semble plaqué sur le reste. Je ne crois pas non plus à sa vie sentimentale avec un astronome amant secret, ces évocations m’ont irritée au plus haut point. On ne croit même pas à Mudwoman diplômée de philosophie, malgré, (surtout) la présence de quelques citations et réflexions sans grande portée.

Il y a dans le roman trop de répétitions ( de propos peu intéressant pour l'histoire) et les monologues de Mudwoman sont souvent très affectés, les artifices employés par l'auteur ne me semblent pas convenir aux situations. Donc, ce qu'il y a de bon dans le récit est gâté par un certain maniérisme.

Il me semble que ce roman est un peu surestimé par la critique.

Je n'avais pas non plus tellement aimé " Petit oiseau du ciel" pour d'autres raisons, et je ne pense la lire une nouvelle fois cette année.

Voir l'avis de Keisha ( pas convaincue non plus).

De Claudialucia ( très positif).

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commentaires

C
Oui, c'est vrai, j'ai été très convaincue. Par exemple, je crois tout à fait à la carrière universitaire de Mudwoman puisque cela a été le fait de Joyce Carol Oates malgré son milieu social modeste. Elle a été boursière et a beaucoup souffert du mépris des autres. Ses préoccupations en tant que présidente d'université me paraissent convaincantes puisque ce sont réellement les siennes, en particulier sur les élèves boursiers, ou sur la ségrégation envers des femmes dans les univerrsités , ou sur sa position contre la guerre en Irak... Finalement j'aime beaucoup ce mélange entre le conte, la réalité et la satire sociale , cette dernière comptant beaucoup pour moi car je n'aime pas les personnages qui vivent hors du temps! Je mets un lien vers ton billet; c'est bien qu'il y ait autant de réactions différentes sur ce livre.
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D
En fait, c'est son style qui ne m'a pas franchement convaincue. Car en effet, la construction du roman est bonne, et bien équilibrée.
K
J'ai du mal avec cet auteur, déjà ce n'est pas si mal, j'ai réussi à terminer Mudwoman! (j'ai déjà donné mon exemplaire, je crois avoir fait une heureuse!)
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