The Grass is Singing, 1950.
Années 40 Rhodésie. Dans une ferme en pleine brousse, Mary, la quarantaine, épouse du fermier Dick Turner, vient d’être assassinée par son serviteur noir Moïse.
Les Turner allaient quitter leur ferme, criblés de dettes, et en faillite depuis longtemps. Leur riche voisin Slatter venait de leur racheter leur bien, et de nommer un régisseur ( Tony Marston jeune britannique de 20 ans, fraîchement débarqué dans ce pays).
Tony a quelques idées sur les raisons de cet assassinat, mais il ne va pas pouvoir les dire.
Nous sommes plongés dans l’existence de Mary, son enfance dans la pauvreté, un père qui boit, une mère qui tire le diable par la queue. A seize ans elle apprend la sténo dactylo et devient secrétaire.
A trente ans, elle est toujours célibataire, secrétaire de direction, vit dans un foyer de jeunes filles et s’y trouve bien. Elle aime le cinéma et les romans sentimentaux. On ne lui connaît pas de relations amoureuses, ni de liaisons. Elle ne s’y intéresse pas, mais entend dire d’elle que c’est bizarre de ne pas songer à se marier. D’ailleurs elle ressent un vide dans sa vie.
Les commérages à son sujet ont détruit l’image qu’elle se faisait d’elle. Maintenant il lui faut un mari ! Elle rencontre Dick Turner, fermier , la trentaine, et l’épouse très rapidement. Car Mary est solitaire ; elle manque d’une amie à qui confier ce qu’on dit d’elle, d’une amie à qui présenter Dick , et qui puisse lui donner son avis, la conseiller…
Dick vit loin de la ville, dans le bush. Il a construit seul une maison de fortune avec un toit en tôle et pas de plafond. Il n’y a pas l’électricité, et les sanitaires sont malcommodes. Dick fait travailler des « nègres » ( le texte anglais emploie le mot « native ») comme des esclaves. Ils n’en ont pas le statut mais ils en ont l’existence… pour exploiter ses champs de maïs qui ne lui rapportent rien. Très attaché à sa terre, il ne sait pas gérer et faire fructifier ses possessions. Il n’en a même pas envie…
Pour le ménage et la cuisine, il y aussi un « nègre » qui se trouve sous les ordres de Mary. Pour elle les noirs sont des animaux et des êtres méchants. On lui a toujours dit de s’en méfier…
Mary a tout quitté pour suivre Dick notamment son emploi. Elle dépend de lui désormais. Très vite son existence conjugale se révèle un échec. Elle n’aime pas le sexe, ne veut pas d’enfants, n’aime pas la brousse, n’aime pas ses voisins, n’aime plus les romans, et se venge sur les serviteurs noirs qu’elle traite si mal qu’ils se sauvent tous. Sauf Moïse, un « gars de la Mission », différent des autres ; il a appris à lire et écrire l’anglais, qu’il parle bien, et connaît des passages de la Bible. Entre Mary, tombée dans la dépression, et lui, une relation équivoque se noue.
Ce roman est un huis clos d’une grande force ; la lente descente aux enfers des personnages, notamment de Mary est hallucinante. La brousse est aussi un personnage à part entière ; si Mary la déteste, elle l’aime aussi d’une certaine manière. Dans sa détresse, elle éprouve une sorte de passion mystique pour cet univers impitoyable, passion qu’elle partage avec Dick. L’auteur a très bien mis en scène l’exploitation ignoble des Noirs, et la mesquine communauté britannique, en évitant toutefois de caricaturer les personnages. C’est aussi la terrible solitude de ce couple mortifère, qui est mise en valeur.