2001, 153 pages.
La narratrice évoque un moment de sa vie, la crise grave qu’elle traversa autrefois. C’est l’errance d’une très jeune femme, vivant dans une grande détresse morale mais aussi précarité matérielle , habitant un petite chambre près de la place Blanche, et n’ayant pour source de revenus qu’une place de baby-sitter préoccupante : en effet la petite fille qu’elle garde, vu l’abandon où elle est laissée lui fait penser à elle au même âge. Cette enfant vit prés du Bois de Boulogne, là où la narratrice, enfant, passa deux années décisives …
Mais ce ne serait rien si la jeune femme, incertaine de son identité ( cela faisait une douzaine d’années qu’on ne l’appelait plus « la Petite Bijou ») n’avait vu au métro Châtelet, une femme d’âge mur, dans un manteau jaune vieilli, une femme qui lui semble être sa mère. Elle n’en est pas absolument sûre, mais elle y croit. Or, sa mère qu’elle n’a plus revue depuis son départ précipité au Maroc est censée être morte là-bas. La narratrice, dont le vrai prénom est Thérèse, va la filer, repérer l’endroit où elle habite, près de la porte de Vincennes un immeuble miteux. Et peut-^tre la rencontrer pour être sûre… mais cette femme aperçue dans le métro l’a vue, elle aussi, et « son regard se posait sur moi, mais c’était le regard que les voyageurs échangent machinalement entre eux ».
A partir de cette mère-fantôme qu’elle poursuit tout en la fuyant, Thérèse arpente certains quartiers parisiens, cherche à se repérer dans son jeune passé marqué ^par la confusion, la douleur, la marginalité l’énigme. Au milieu de tout cela, ce pseudonyme adorable « La Petite Bijou » qu’elle porta à l’âge de 7 ans « son nom d’artiste » ; sa mère aussi avait changé de nom elle s’appelait « Comtesse Sonia O’Dayaué » et toutes les deux jouaient dans un film… cette espèce de conte de fée, qui n’est même pas un bon souvenir, comment et pourquoi a-t-il cessé ? comment la petite Bijou a-t-elle cessé d’être précieuse pour sa mère et son entourage, et l’a-t-elle vraiment été ?
Dans sa quête elle va être aidée par un jeune homme rencontré dans une librairie, qui travaille à résumer et traduire des émissions de radio en de nombreuses langues ( car il est polyglotte) et une pharmacienne réconfortante.
Ce personnage en pleine déréliction est l’un des plus poignants de l’œuvre de Modiano ; le roman est en apparence écrit simplement, mais fait d’une belle prose poétique. Le retour des néons verts qui apaisent la jeune femme, les appellations curieuses telles que cette langue « le persan des prairies » parlée par son ami, les courses affolées autour de la gare de Lyon, tant de trouvailles miraculeuses font de ce roman un vrai bijou… pas si petit que cela.
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