Verticales, 2010, 211 pages.
Après les rennes d'Olivier Truc,simples animaux du grand Nord, ceux d'Olivia Rosenthal peuvent sembler quelque peu problématiques...
« Plus l’animal apparaît comme dangereux plus il est considéré. La reconnaissance de l’autre est un moyen pour pacifier le monde surtout quand l’autre est déjà aliéné. Offrir à l’autre le sentiment de l’égalité est une ruse pour le dominer ».
C’est un récit à deux voix qui se répondent sans pour autant se connaître. La question que font les rennes à Noël est posée par une petite fille, mécontente de n’avoir pas eu un animal à chérir comme cadeau. « Une petite boule de poil vivante à s’occuper à caresser… «
Pour se venger, elle songe à fuir avec les rennes après Noël. Mais elle est trop dépendante de ses parents, surtout sa mère. Rien d’orignal, sauf la façon dont c’est raconté ; l’auteur utilise la deuxième personne du pluriel ( comme dans la Modification) mais on apprécie ce choix. Les pensées de la fillette ( qui déteste les poupées et les détruit) devient un vrai récit d’apprentissage dans lequel on la voit grandir, devenir jeune fille, avoir un amoureux, une amoureuse, écrire un roman dont on va connaître les personnages.
L’autre voix est celle , tantôt d’un vétérinaire ou d’un soigneur qui s’occupe d’animaux divers dans les zoos ( il relate aussi une expérience au cirque), tantôt d’un chercheur qui utilise des bêtes, ensuite d’un boucher, bref de tous les gens dont le métier est de s’occuper d’animaux ( chacun de façon fort différente). Ces expériences sont pleines de renseignements concrets ( et parfois un peu bizarres : comment réintroduire les loups qu’est-ce que cela suppose comme infrastructure ?) ce narrateur qui parle à la première personne, se transforme : vers la fin du livre, ile st devenu boucher et explique ce choix.
Bien sûr ces récits ne sont pas à prendre au premier degré ( encore que parfois, si, justement !) et l’animal au cœur du livre est souvent une métaphore de l’humain, ou la représentation d’un fantasme humain.
« Votre désir d’humanité est à peu près équivalent à votre désir d’animalité. En réalité il est absolument impossible de les distinguer. Vous avez peur. »
Les récits contiennent des refrains des phrasés récurrente qui se répètent, des variations ironiques sur certains dictons : par exemples l’homme est un loup pour l’homme, devient l’homme est un homme pour le loup, le loup est un loup pour l’homme etc. Et ces variations malicieuses ont du sens. Cependant le sens de ce que nous lisons, en dépit d’un récit clair et apparemment simple ne se donne pas facilement. Il faut lire entre les lignes. Celui qui croit y lire un plaidoyer pour s’occuper mieux des animaux ou une démonstration comme quoi ils seraient très proches de l’homme, seraient surpris de lire les déclarations du boucher « j’aime tuer les bêtes, j’ai toujours aimé cela » suivi de la meilleure façon de tuer des veaux ou des génisses et quand le faire pour que la viande soit bonne.
Beaucoup réfléchir et relire avant de décider du sens de ce qu’on lit ! Un récit sympathique et en même temps assez retors ! très original; à ne pas manquer!
d'Olivia Rosenthal voir aussi On n'est pas fait pour disparaître