1ere publication en 1964.
Stock Cosmopolite, 1989.229 pages.
« Le temps viendrait-il jamais de réaliser ce rêve de renaître sous le visage d’un autre ? »
Le récit consiste en un long monologue en plusieurs cahiers que le narrateur adresse à sa femme. Chimiste dans un laboratoire, il a été brûlé par de l’azote liquide lui sautant au visage. Cet accident l’a laissé défiguré ; il se cache sous des pansements épais. Depuis cette mésaventure sa femme se refuse à lui.
Il est parti s’installer à l’hôtel, prétextant un congrès de chimistes. En fait, il réfléchit à l’élaboration d’un masque épousant parfaitement la peau de son visage, permettant la respiration de l’épiderme, un masque pouvant passer pour son vrai visage. Après réalisation de l’objet, il le porte, note l’effet produit sur les autres, et décide qu’il peut chercher à séduire sa femme de nouveau, mais en feignant d’être un autre homme…
L’histoire de cette tentative (désespérée ?) est contée par le menu, émaillée de réflexions diverses sur l’être et l’apparence ; on n’échappe pas aux considérations selon lesquelles l’être humain est toujours masqué, y compris à visage nu. Le problème du narrateur, c’est qu’il n’a « plus de visage », c'est-à-dire plus rien de socialement présentable, ce qui le contraint à une solitude irrémédiable. D’où l’idée de devoir se refaire un visage. Il passe par toute sorte de sentiments colère, haine, désespoir, désir de devenir un criminel véritable puisque le voilà en dehors de la société. Toutefois, il continue à se rendre à son laboratoire, et à y travailler. Notamment à la fabrication du masque, un travail complexe et méticuleux relaté dans ses moindres détails.
Le port d'un masque obéit souvent à des préoccupations esthétiques ( les masques Nô, le maquillage des femmes) ou au désir de faire revivre un ancêtre ( les masques des primitifs) , voire tout simplement au désir de se dissimuler pour jouer ( la fillette que le narrateur rencontre lui dit qu'il joue à cache-cache) mais se faire réellement passer pour un autre à l'aide d'un masque est une tout autre entreprise. Si notre narrateur devenu sans-visage avait pu connaître la secte du dieu Mutiface, peut-être aurait-il pris un nouveau départ, oublié son épouse , mis la chimie au service de tout autre chose! Voilà une vocation ratée...
Ce récit est long, bavard, introspectif. Même s’il s’adresse à son épouse, ( et propose une courte réponse de la part de cette femme ) le narrateur discours interminablement sur lui , ses relations avec cette épouse (on devine qu’elles n’étaient pas trop fameuses avant l’accident),sa liaison avec elle, masqué, la nouvelle identité qu'il se cherche depuis l'accident, et ne trouve pas.