Gallimard du Monde entier, 2015, 500 pages.
Le récit se déroule à la fin du 16 me siècle à Amsterdam, pendant quatre mois. Le prologue nous montre des obsèques en janvier 1687 ; c’est la fin de l’histoire. Nous ne savons encore rien des protagonistes, de simples silhouettes qui nous mettent l'eau à la bouche...
Ensuite, on revient en arrière, lorsque Nella Oortmann, une jeune fille de 18 ans, toque au perron d’une grande maison bourgeoise, au début d’octobre de l’année précédente. Elle vient de la campagne et a épousé le maître de maison, Johannes Brandt, un riche marchand de vingt ans plus âgé qu’elle. Elle est impatiente de commencer sa nouvelle vie. Malgré son âge, le mari qu’elle a vu l’espace d’un après midi lui a fait une bonne impression. Il a une belle prestance, un visage buriné, et a visité moult pays exotiques...
Nella est accueillie froidement par sa belle sœur Marin, célibataire endurcie, et sa servante Cornelia dont les manières lui semblent très osées pour une domestique. Johannes a aussi un serviteur noir, Otto ; Nella n’a encore jamais vu une personne de couleur. Mais le plus étonnant c’est que les jours passent et Johannes se fait désirer. Il tarde à consommer son mariage, et reste très distant. Nella se voit offrir une maison miniature, réplique exacte de celle qu’elle habite à présent, et Johannes l’enjoint de la décorer… Nella est très déçue, irritée et intriguée aussi par les propos sibyllins des gens de la maison, et leur attitude envers elle.
Ce roman a été comparé à celui de Tracy Chevalier la jeune fille à la perle ; il se déroule au même endroit, à la même époque. Ayant déjà lu un roman de Tracy Chevalier (pas celui-là) je pense que l’écriture de Jessie Burton est davantage travaillée, plus élégante, et l’ensemble paraît d’une autre habileté. Les descriptions sont très belles et ressemblent à ces fameux tableaux qu’on admire encore souvent, pleins de vie, de crudité, et d’un mûrissement excessif comme des fruits talés.
A l’aide d’une documentation très sérieuse, l’auteure a brossé une étude de mœurs de cette société de négociants prospères, aussi cupides qu’hypocrites et corsetés dans un calvinisme sévère. Les Brandt cultivent une liberté d’esprit qui en fait des marginaux, et le monde dans lequel ils vivent est trop étroit pour eux.
A mesure qu’on avance dans l’histoire et que les protagonistes perdent leur mystère, ils changent aussi de visage. Le drame fait son apparition, le traitement de l’intrigue se révèle très romanesque. La troisième partie pourra sembler longuette, les sentiments soudain outrés dans leur manifestation, les personnages plus idéalisés que je ne l’aurais imaginé.
Il n’empêche que voilà un premier roman d’une grande qualité qui se lit avec plaisir.
Je m'aperçois que je n'ai pas parlé du (ou de la) miniaturiste! c'est que pour moi, comme pour Nella au début, cette maison de poupée si parfaite soit-elle, ne m'inspire pas, et guère plus les inquiétudes et les passions qui se cristallisent sur ces petits personnages et objets, répliques de ceux de la maison sur lesquels on croit lire je ne sais quelle marque d'un drame. En fait, l'objet en question ne sert à rien pour l'intrigue.