1996 (1ER publication 1994)
Phébus
Dans les années 1990, Félicia, jeune fille de 17 ans, vient de quitter sa famille en Irlande, pour aller retrouver Johnny en Angleterre. Félicia est enceinte de lui ; elle croit savoir qu’il travaille dans une usine de tondeuse à gazon, à Birmingham. Mais il ne lui a jamais communiqué son adresse.
Félicia a d’autres raisons de partir : mise à pied de l’usine de conserverie de viande où elle travaillait, elle s’est vue contrainte de devenir ménagère pour le foyer de son père et ses frères, et aide-soignante pour sa grand-mère grabataire. D’où une important perte d’autonomie.
Le séjour de Félicia à Birmingham, d’errance en errance, va se transformer en parcours initiatique ; au cours de ses pérégrinations, elle partage brièvement l’existence de personnes sans domicile fixe, d’une communauté de convertis exaltés genre témoins de Jéhovah, et surtout de l’inquiétant M. Hilditch, un homme de cinquante ans, qui attire chez lui les jeunes filles en détresse, sous prétexte de les aider. Lorsque ce monsieur vole l’argent de Felicia afin qu’elle soit contrainte de revenir à lui, nous avons très peur pour elle…
L’intrigue se déploie avec lenteur entrelacée de deux monologues : tantôt nous sommes dans les rêveries et pensées de M. Hilditch, tantôt dans celles de Felicia ; l’un et l’autre, le prédateur et la proie, sont finalement assez proches ; en égrenant leurs souvenirs, on s’aperçoit qu’ils se mentent à eux-mêmes, mais de moins en moins, et vont s’approcher de leurs vérités respectives. Bien sûr, le récit n’est pas exempt de suspens ; nous avons là un thriller à la façon très spéciale de William Trevor, en plus d’un roman social, le tout teinté d’une ironie noire. Ce roman est l’un des meilleurs de son auteur.