Gallimard, 348 pages. 2016
Shmuel Ash 24 ans, étudie en vue d’une thèse sur Jésus dans la tradition juive. Il apprécie l’interprétation des Evangiles ( déjà maintes fois soutenue) selon laquelle Judas aurait « livré » Jésus, croyant fermement qu’il descendrait de la croix, aidé par des pouvoirs surnaturels (dieu), en accord avec Jésus ( qui y croyait moins que lui). C’est une thèse qui plaît aux athées (qu’ils soient juifs ou chrétiens) ; Jésus est un homme comme les autres, qui s’est fait avoir, ainsi que Judas, et le véritable traître, c’est Dieu…
Faisait partie d’un groupe socialiste, Shmuel admire les héros de la toute jeune révolution cubaine. Cependant, il vit à Jérusalem, est un citoyen de l’état d’Israël, un état qui survit tant bien que mal à dix ans de guerre. Nous sommes en 1959, au début de l’hiver ; le jeune homme n’a plus de quoi financer ses études, ni même son quotidien. Shmuel répond à une petite annonce ; on recherche un jeune homme de compagnie pour un monsieur âgé très cultivé, recherchant un interlocuteur pour converser. C’est Gershom Wald, ex-historien, handicapé en deuil de son fils. Le troisième personnage est une femme, Atalia belle-fille de Gershom, veuve, qui travaille dans une agence de détectives privés. Très séduisante. Outre que Shmuel est aussi bavard que le vieux, il sort d’une déception sentimentale et Atalia lui plaît aussitôt. Le principal de l’histoire consiste en discussions entre Shmuel et Gershom, et en tentatives d’approche de la belle Atalia. Les défunts sont également très présents : Micha, fils de Gershom assassiné au début de la guerre d’indépendance , et Shaeltiel Abravanel, père d’Atalia : était opposé à la création d’un état juif, fut considéré comme traître et mis en quarantaine.
Le récit évolue vers une certaine affection entre les trois personnages, établissement de rituels de repas et paroles, de balades dans Jérusalem la nuit, en hiver ; il fait froid ( et pourtant, on entendra un grillon striduler( !!) c’est le seul miracle…
Au bout de quelques mois Shmuel sera renvoyé à d’autres aventures (il a sa vie à faire, les autres hélas n’ont que leur deuil et ne vont plus évoluer) et aura perdu quelques illusions.
J’ai aimé les personnages qui sont très attachants ( les deux hommes surtout, Atalia fait un peu femme fatale , et a moins d’originalité que les deux autres), les nombreuses discussions, qui nous ramènent vers ce problème insoluble : comment faire cohabiter israéliens et palestiniens ? le côté roman d’apprentissage du jeune Shmuel, la vie quotidienne dans cette maison, que l’auteur nous fait partager avec ses personnages, une vie difficile, mais pas désespérée pour autant. Le courage, le goût de vivre, la curiosité intellectuelle ne leur fait jamais défaut.
Ce roman dit " de la rentrée" n'a pas obtenu de prix; et je m'aperçois que j'en ai chroniqué deux autres ( 14 juillet et Au début du septième jour ) qui n'ont pas été primés non plus! Il existe tellement de prix littéraires, que j'aurais juré qu'il y en avait au moins un pour chaque bon roman de la rentrée! Je me trompais...
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