Point 2004, 214 pages (édition originale 1999)
Voici le roman d’apprentissage de l’écrivain israélien décédé en janvier ; sa prime enfance en Bucovine, territoire roumain à l’époque, ukrainien par la suite ; les souvenirs de ses parents, de ses grands parents, et des langues dans lesquelles il fut élevé (l’allemand qu’il parlait avec sa mère, le yiddish de ses grands parents) sa première année d’école, puis la guerre, la séparation d’avec la mère ( tuée dans les premiers mois du conflit) le ghetto, la disparition de son père, le camp de déportés dont il s’échappe, la vie dans les forêts d’Ukraine, il se cache et travaille plusieurs mois par ci par là au service de personnes marginales vivant dans des conditions précaires ; enfin la rencontre d’autres enfants réfugiés et le départ clandestin pour la Palestine, la vie en Israël, les études, ses apprentissages d’écritures, ses déboires entre plusieurs langues ( l’allemand, le yiddish, l’hébreu qu’il apprend avec peine …) ses relations avec ses mentors, vivants et morts : les écrivains Agnon, Gershom Sholem, Kafka, Schulz, et les russes.
Les souvenirs de son enfance perturbée sont livrés par bribes (il explique comment il a réussi à en écrire petit à petit mais pas sous la forme d’une narration…) ;
« Plus de cinquante ans ont passé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le cœur a beaucoup oublié principalement des lieux des dates, des noms de gens, et pourtant je ressens ces jours là dans tout mon corps. Chaque fois qu’il pleut, chaque fois qu’il fait froid, , où que souffle un vent violent, je suis de nouveau dans le ghetto, dans le camp, où dans les forêts qui m’ont abrité longtemps. La mémoire s’avère –t-il a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l’odeur de la paille pourrie ou dur cri d’un oiseau pour me transporter loin et à l’intérieur.
Je dis à l’intérieur, bien que je n’ai pas encore trouvé de mots pour ces violentes taches de mémoire. Au fil des années j’ai tenté plus d’une fois de toucher les châlits du camp et de goûter la soupe claire qu’on y distribuait. Tout ce qui ressortait de cet effort était un magma de mots ou plus précisément des mots inexacts, des rythmes faussés, des images faibles ou exagérées. Une épreuve profonde ai-je appris peut être faussée facilement. «
C’est un récit passionnant dans sa première partie, lorsque l’auteur retrouve des moments de son enfance tragique et aventureuse. Sa formation d’écrivain, m’intéresse aussi, notamment ses problèmes avec les langues : celle qu’il veut repousser et qui insiste ( l’allemand) celle qu’il apprend avec peine, l’hébreu, et j’ai aimé un peu moins ses relations avec les mentors mentionnés plus haut ; cet aspect est plus conventionnel. Pourtant, c’est un récit essentiel, à lire et relire…
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