Actes sud, 2018, 420 pages.
Nous sommes en 1992, à Heillange, en Lorraine ; Anthony, 14 ans et « le cousin » un peu plus âgé, s’ennuient sur une plage près du lac, la plus mauvaise plage ( elle jouxte une décharge municipale). Les deux garçons empruntent un canot pour rejoindre la « plage des culs-nus » où Anthony espère voir des filles à poil pour de vrai. Il va en pincer durablement pour Stéphanie ( en maillot de bain). Ce fait l’entraîne dans une fête dans une maison bourgeoise où il se fait voler la moto de son père.
Stéphanie, la moto, Hacine, le voisin à éviter qu’on retrouve toujours, les amis des jeunes et les soucis des parents( le chômage, l’alcoolisme) vont être les leitmotivs qui rythmeront les vacances d’Anthony jusqu’à la fin des années 90… Anthony est fâché avec l’école et susceptible d’obtenir un bac technique qui ne servira à rien ; Hacine est déjà déscolarisé et décidé à s’enrichir dans la petite délinquance ; Stéphanie se dirige mollement vers un avenir de cadre sup ; ces vacances relatées tous les deux ans mettent en scène la vie dans une cité et dans les pavillons en banlieue d’une ville moyenne. Les milieux sociaux sont minutieusement décrits, avec ces petits détails qui nous font vivre dans la peau des personnages, et arpenter ces lieux désolés ( hauts fourneaux éteints, terrains vagues, centres commerciaux où l’on traîne, bistrots , piscines municipales, plage de bord de lac, genre de faux centre ville, où l’on se rend avidement en quête d’un peu d’animation.
C’est un roman d’apprentissage de la vie, et il ne se passe rien de notoire. L’auteur a eu soin d’éviter les effets faciles : il y aura beaucoup de violence mais pas de crime, beaucoup de sexe mais souvent raté, des rêveries, mais pas de passion fatales ni d’avortements sanglants. Les dialogues des jeunes sont retranscrits dans une oralité scrupuleuse, avec les tics de langage de l’époque, et les non-dits qui sont palpables dans les propos échangés : les personnages finissent toujours par remarquer plus ou moins explicitement « au fond, on n’a rien à se dire ».
C’est une gageure de réussir à intéresser avec ce type de sujet. Nicolas Mathieu y parvient.
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