Il s’agit de montrer de quelle manière une nouvelle organisation du pouvoir s’est progressivement mise en place dans les sociétés disciplinaires.
L’auteur souligne que son ouvrage « doit servir d’arrière-plan historique à diverses études sur le pouvoir de normalisation et la formation du savoir dans la société moderne »
Dans le « curieux projet d’enfermer pour redresser » il voit le moyen du pouvoir d’assujettir et de contrôler non pas la seule délinquance mais les individus et leurs corps.
Le pouvoir veut améliorer les comportements en rendant les corps dociles et en dressant les esprits. Il inculquera une norme plutôt qu’une loi : le contrôle, la surveillance et la mise en examen des individus pour mieux les assujettir.
Le pouvoir s’occupera des individus, de connaître leurs pensées, mais ce ne sera plus le fait de la religion car on voudra rendre l’individu efficace et docile dans les « institutions disciplinaires » c’est d’ailleurs un pléonasme ; Foucault entend démontrer que toutes les institutions sont disciplinaires.
La prison fut la première de toutes et reste le modèle de toutes les autres. A partir d’un système carcéral s’organisent ces autres institutions que sont les écoles, les usines, les casernes, les hôpitaux (voir l’histoire de la folie à l’âge classique) dans le Grand enfermement).
Hypothèse : bien que la prison soit un échec et qu’elle fabrique des récidivistes, cet échec est le maintien de cette institution à la place centrale qu’elle occupe et au contrôle de l’illégalité qu’elle instaure.
Son organisation s’appuie sur les sciences humaines développées à partir du 15eme siècle.
Victor Hugo se trompe en disant « Si l’on ouvre une école, on ferme une prison ».
L’Ancien Régime :
La Torture, instrument privilégié du pouvoir royal est un spectacle : carnaval des atrocités.
Exemple : le supplice de Damiens qui avait tenté de tuer Louis XV ; le corps de ce criminel démembré montre ce que l’on a voulu faire au pouvoir du monarque.
Et inspire à la foule rassemblée la certitude que ce pouvoir est inviolable.
Le spectacle provoque aussi la révolte et la provocation : le criminel peut se muer en héros.
En ce cas la punition doit être représentative on doit lire dans cette punition infligée la nature du crime et le châtiment imposé.
Il devient nécessaire de bien connaître et classer les criminels et les châtiments possibles.
Ainsi va s’élaborer le code pénal. on va graduellement remplacer la torture du corps par les travaux publics, le forçat enchaîné avec sa pioche et son boulet.
Le souci est alors devenu « réformer les âmes », procédure qui conduira à l’abolition de la peine de mort. Petit à petit se mettent en place des procédures éducatives pour que le criminel et ceux qui le regardent apprennent à bien se conduire.
DRESSER : to dress : habiller on vêt le crime pour le représenter dans son horreur.
Normaliser. Abouti à un contrôle généralisé et incessant des individus assujettis.
« La prison n’est qu’un des lieux parmi d’autres où se met en place un pouvoir d’abord soucieux de produire des corps obéIssants. »
Foucault poursuit l’histoire de la folie en allant plus loin : » le système carcéral produit des disciplines »c'est-à-dire des règlements.
Celles-ci ne cloisonnent ni ne compartimentent l’espace social. Au contraire les mêmes normes vont s’imposer à toutes les institutions. Celui qui passe de l’une à l’autre n’est pas exclu ; il y trouve tout de suite sa place.
Passer de l’école à la prison est éprouvant mais le délinquant y retrouve les mêmes règles.
Ceci est d’autant plus vrai qu’il y a des hiérarchies dans la prison comme dans l’école. Les prisonniers riches et /ou en vue y sont bien traités et disposent de doits particuliers. On a pu observer le régime carcéral réservé à un Papon à un Tapie etc. qui n’a rien de commun avec celui d’un prisonnier normal. Il y a certainement une prison pour les gens aisés qui n’est pas la même que pour les pauvres. Il y a aussi dans les prisons de « bons élèves » qui font des études et sortent avec des diplômes même s’ils viennent d’un milieu défavorisé, comme cela se voit à l’école.
J’en retiens les passages qui m’ont paru pertinents : attention cette lecture n’est pas forcément objective :
-organiser le temps, rendre utile chaque instant pour une activité correspondante, répartir l’emploi du temps en phases successives qui permettent un progrès en passant de l’une à l’autre.
Ceci me fait penser à ce que disent de nombreux parents en parlant de leurs enfants : les occuper tout le temps ne pas laisser la vacuité s’installer ni le temps de penser pour soi ni le temps de rêver. Chaque moment de la journée doit être réservé à une discipline quelconque : se laver manger suivre ses cours à l’école sport école re-sport activité annexe pour boucher les trous (dessin musique…) devoirs repas vaisselle un peu de jeux vidéo (on ne peut l’empêcher certains appelle ça « soupape de défoulement »…). Le temps doit être rentabilisé. C’est ainsi que le vocable « gérer » a été dérivé de son sens premier pour intéresser toutes les activités humaines.
- occuper diversement les individus : élaboration d’une culture mosaïque consistant à découper les activités en « matières » pour découper l’individu en « aptitudes diverses ».
- Diviser les activités en gestes élémentaires. Un signal, un mouvement, qui y correspond, une réaction automatique.
- Réprimer chaque faute même ténue y compris celles qui tiennent à la non adéquation au comportement requis : manière d’être, excentricité, insolence, négligence…
- la Norme correspond au 19eme siècle à une moyenne, vite déterminée par les sciences sociales et leur outil, la Statistique.
- Une personne se voit qualifier de « normale » si elle intériorise les règles couramment admises. C’est à ce moment–là que la norme devient une des caractéristiques du pouvoir social disciplinaire.
- Pour s’asseoir encore plus le pouvoir de la société disciplinaire va soutenir que les disciplines ne sont plus là pour neutraliser les dangers occasionnés par des groupes sociaux inutiles et ou agités, mais qu’elles sont positives. Que grâce à elles l’individu devient de plus en plus utile.
La société qui se développe est alors une société de « surveillants » qui s’occupe de surveillance hiérarchique, de sanctions normalisatrices (toujours d’actualité avec le fameux « casier judiciaire en Maternelle ») la norme permet de mesurer des écarts de sanctionner des niveaux, d’ajuster des différences.
On va pouvoir dire que les « gens sont libres de cultiver leurs différences » et paraître ainsi libéral dans le sens de compréhensif généreux non-directif alors qu’on sera au contraire répressif mais de manière tellement vicieuse qu’on pourra se glorifier du contraire.
Exemple très actuel : le mariage homosexuel est une mesure qui cherche à normaliser ce qui peut encore sembler subversif dans l’homosexualité.
Car ces processus de normalisation produisent toujours autant d’exclus dont le comportement est à réformer.
« C’est à la condition de masquer une part de lui-même que le pouvoir est tolérable »
Le Regard : un pouvoir qui surveille c’est un pouvoir qui observe et dont le regard est invisible. Pouvoir d’autant plus indiscret qu’il se fait discret.
Le Panoptique de Bentham : tour centrale, anneau périphérique, cellules.
Etre vu sans jamais voir. Voir sans être vu : ce dernier détient le pouvoir.
La prison fabrique la délinquance et permet son contrôle sa gestion son utilisation.
En quelque sorte cette explication est freudienne. Elle tient compte des mobiles inconscients de ceux qui détiennent le pouvoir. La prison permet une réalisation du crime avec des dangers moindres comme les actes manqués en psychanalyse rendent possibles la réalisation des désirs souvent avec un moindre mal et les maîtrisant partiellement.