J'ai treize
ans ( 1 966) ma mère me met entre les mains « Poussière » de Rosamond Lehmann, un roman qu’elle a lu dans sa jeunesse et vraiment apprécié.
Nous voici dans la campagne anglaise, par-dessus le mur d’en face dans une grande propriété où Judith, l’héroïne, joue avec ses cousins (ou/ et amis) et les séduit tous : il y en a
quatre ou cinq peut-être davantage et un arbre fruitier qui est peut-être un cerisier. On échange des serments. Quelque temps après cet été mémorable, elle part dans un internat et séduit au
moins deux pensionnaires : l’une est qualifiée de réellement dépravée, mais elle l’observe de loin, avec la seconde elle partage des sentiment exaltés. Je me rappelle une scène de
nu : l’amie de Judith (peut-être Jennifer ?) la moins dépravée se baigne nue dans la Tamise sous le regard de Judith, qui récite des vers et se promet de ne pas faire le mal.
Quelques années encore et elle retrouve ses cousins ; certains sont à présent indisponibles pour cause de décès dus à la guerre et à la maladie ; avec les autres aucun lien conjugal ne
se noue.
On échange des lettres, des rendez-vous se donnent où l’on se promet d’en rester là, puis c’est la belle Jennifer qui sollicite une entrevue : heureusement, elle a posé un lapin car Judith
était prête à tout !
Lorsque je replace le livre sur l’étagère, ma mère me demande ce que j’en pense : j’ai la sensation d’avoir lu un livre interdit puisqu’il y est question d’amitiés « anormales »
entre filles ; ma mère l’a lu avant moi ; elle me l’a sans doute conseillé pour tester ma probité. J’aurai dû, au milieu du livre, dès qu’il est question des amies d’internat, lui
rendre son bien,à ma mère, en lui disant, la mine choquée, que je n’irai pas plus loin ; puis demander timidement des explications sur ce qui se passe d’ »anormal »
dans ce récit, et terminer le livre tout de même non sans prétendre n’avoir pas très bien compris,
m’indigner vertueusement…
mais je ne sais pas y faire je ne dis rien, je me tais, définitivement coupable à ses yeux.
Note : "Poussière" a été réédité chez Phébus il y a un an ou deux.
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