Je me suis lancée à 17 ans dans « Le
Bruit et la fureur ». A mes yeux c'était un livre incontournable si je ne voulais pas passer pour une « idiote » .
J’abordais cette lecture avec confiance, sans connaître l’histoire, ni les procédés narratifs, avec la seule phrase de Shakespeare pour guide « La vie est une histoire pleine de bruit et de
fureur (sound et non noise) contée par un idiot (idiot et non fool) qui n’y comprend rien. »
Ma première surprise ce fut donc sound plutôt que noise, et idiot au lieu de fool.
Les deux frères sont amoureux de leur sœur, et l’un d’entre eux se fait passer pour un idiot ; il ne pousse que des grognements alors que le narrateur lui attribue de vraies pensées articulées et lui confie un point de vue, une façon de voir qui n’est pas franchement d’un handicapé mental.
Je n'ai pas compris que Benjy était vraiment idiot.
Au deuxième chapitre, l’autre frère, Quentin, prépare minutieusement son suicide. Je n’ai pas compris cela d’emblée, et lorsque la lumière me vint, je crus que cette minutie, cette accumulation de détails, signifiait qu’il reculait son geste et peut-être ne l’accomplirait pas.
Mais le temps s’écoule et cela seul. Quentin n’est pas Hamlet, il ne se demande à aucun moment s’il va ou non le faire, il n’hésite pas, il ne cherche pas d’arguments ni d’alibis, il ne s’afflige plus guère, n’a que des soucis matériels concernant la réalisation de son acte. Mort avant que ne commence la relation de cette dernière journée. Cette morne épreuve endurée, je n’ai pas continué la lecture.
Par la suite, je ne suis jamais devenue intime de Faulkner ; à l’université, j’ai étudié « Absalom ! Absalom ! » J’ai passé encore plus de pages ; j’ai d’ailleurs été très bien notée, ne connaissant que le cours, et donc sachant exactement ce qu’il convenait de dire. Lorsque, outre le cours, je lisais le livre à étudier, cette lecture entrait souvent en conflit avec l’autorisée et je ne savais plus traiter le sujet.
On peut aussi lire le livre et ne pas s’occuper du cours : cela donne d’assez bons résultats mais rien ne paye davantage que le cours et seulement le cours.