Stieg Larsson (1954-2004) « Millénium 1 : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes » Actes-sud noir 2004.
Un titre français un peu curieux pour un excellent polar suédois qui comporte deux intrigues, l’une se déroulant dans le milieu de la finance, des spéculations boursières, l’autre dans celui de la psychopathologie du serial-killing, les deux habilement entremêlées.
Mikaël Bloomkvist, rédacteur en chef de la revue Millénium ( qui tient d’ Alternatives économiques et du Canard
enchaîné), a écrit un article sur l’homme d’affaire Wennerström, l'accusant d' avoir monté, en Pologne, une société bidon, et gardé l’argent emprunté à cet effet pour
spéculer.
D’autres forfaits plus graves lui sont ausssi reprochés.
N’ayant pu prouver ce qu’il avançait, Bloomkvist est attaqué en diffamation, et son journal bat de l’aile.
Pendant ce temps, Erik Vanger, 82 ans, homme d’affaire à la retraite, reçoit pour la 44 eme année consécutive une fleur rare conservée sous verre, comme cadeau d'anniversaire anonyme. Les envois ont débuté en 1966, lorsqu’ Harriett sa nièce bien aimée qu’il élevait, a disparu lors d’une fête de famille. Vanger soupçonne ses proches d’assassinat. Certains sont adeptes du nazisme et militent activement.
Il engage Bloomkvist, à présent chômeur, comme détective, et lui promet, s'il tire l'affaire au clair, de lui révéler une information permettant de coincer Wennerström.
Mikaël va enquêter avec une étrange coéquipière, Lisbeth Salander, dont la figure attachante de jeune délinquante hors normes, fantasque et pragmatique, farouche et sincère, virtuose du piratage informatique, domine le roman. Elle fait songer à Arsène Lupin version punk. De nos jours, c’est dans les disques durs des ordinateurs et les messageries privées que s'introduisent les cambrioleurs efficaces…
Nous avons dans ce livre une galerie complète de personnages exemplaires : fausses victimes, politiciens véreux, hommes d’affaires escrocs, pervers criminels , grande famille suspecte avec chevalier d’industrie sur le déclin ...
« La Bourse de Stockhlom était en chute libre et les morveux de la finance menaçaient de se jeter par diverses fenêtres. On lui avait posé la question sur la responsabilité de Millenium dans le naufrage de l’économie suédoise auquel on assistait en ce moment :
« Affirmer que l’économie suédoise est en train de faire naufrage relève du non-sens avait répliqué Mikaël du tac au tac.
- Nous vivons en ce moment le plus gros écroulement individuel de l’histoire boursière et vous prétendez que c’est du non-sens ?
- Ecoutez, il faut distinguer deux choses – l’économie suédoise et le marché boursier suédois.
L’économie suédoise est la somme de toutes les marchandises et de tous les services qui sont produits
dans ce pays chaque jour. Il s’agit des voitures de chez Ericsson, des poulets de chez Scan, des voitures de chez volvo, des transports qui vont de Kiruna à Skövde. Voilà l’économie suédoise et
elle est exactement aussi puissante ou faible aujourd’hui qu’il y a une semaine. …
Stieg Larsson, comme son héros Bloomkvist, était journaliste, avec l'économie pour spécialité, et son analyse est bonne.
On peut regretter la lourdeur du style, dont je ne sais si elle est imputable au texte original ou à la traduction.
Mais j'ai bien apprécié le traitement de l'intrigue criminelle ainsi que la critique sociale aiguë de l'hyperlibéralisme et de ses
dérives.
"la Bourse, c’est autre chose. Il n’y a aucune économie et aucune production de marchandises ou de service. Il n’y a que des fantasmes où d’heure en heure on décide que maintenant telle ou telle entreprise vaut quelques milliards de plus ou de moins… cela signifie seulement qu’un tas de gros spéculateurs sont en train de transférer leurs portefeuilles boursiers des entreprises suédoises vers les entreprises allemandes. Ce sont eux les hyènes de la finance qu’un reporter avec un peu de couilles devrait identifier et mettre au pilori comme traîtres à la patrie ».
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