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31 juillet 2007 2 31 /07 /juillet /2007 10:13

v-6-ill-813109-f.jpgNancy Huston Lignes de faille Actes-sud, 2006. 481 pages prix Fémina 2006.

 

Le roman consiste en quatre monologues de quatre enfants de six ans chacun pris à une époque différente et à un moment crucial de sa vie.

 

A 6 ans, en 2004,  Sol est un petit garçon prodige qui vit en Californie une existence couvée par sa mère, qui le déifie ; «  la célébrité est héréditaire dans la famille peu importe par quoi je me distinguerais »

Cependant, au square, il arrive que la mère de Sol réponde à l’appel d’un autre enfant qu’elle confonde sa voix avec celle de son fils. Sol est scandalisé, pourtant cette erreur de la mère prouve qu’ils ne sont pas en parfaite symbiose.

Avec soixante ans de différence, il a bien des points communs avec «  Edwin Mulhouse » le petit héros du roman de Steven Milhauser. Sa mère possède aussi les mêmes caractéristiques.

Parfois, nous sourions de sa grande naïveté paranoïde : 

«  Mon esprit est gigantesque. Du moment que mon corps est propre et que la nourriture y circule comme il faut, je peux traiter toutes les informations. Je m’empiffre de Google et devient le président Bush et Dieu en même temps ».

 

« Maman voudrait avoir un autre enfant un jour… mais quelque soit le nombre d’enfants dans notre famille, je ne redoute pas la concurrence. Jésus avait une flopée de frères lui aussi et on n’en entend jamais parler, il n’y a tout simplement pas de comparaison ».

On aura compris que l’auteur fait parler ce petit américain pour distiller une satire sociale féroce sur la société actuelle (pas seulement américaine) et des méthodes d’éducation consternantes.

Le père de Sol Randall, dirige une usine où l’on teste un procédé pour fabriquer des robots que l’on enverrait en Irak pour remplacer les faillibles soldats. En attendant, il joue pour Sol le rôle du futur héros de guerre. Le petit garçon se plaît à contempler sur Internet, toute sorte d’images de soldats massacrés et de femmes violées, seule désobéissance à l’endroit de sa mère…

Mais Sol le tout puissant va connaître un désagrément particulier à cause de sa tache de naissance dont on veut l’opérer.

La tache de naissance c’est, dans les ouvrages de fiction, ce qui permet de révéler une filiation entre des personnes que rien ne prédisposait à savoir ou à dévoiler qu’ils étaient du même sang.

Sol partage une tache de naissance avec son père sa grand-mère paternelle et son arrière-grand-mère ; elle a eu une grande importance pour chacun d’entre eux. L’enlever sonne comme une sorte de sacrilège.

 

Alors que Sol est parti en famille à Munich, il commence à s’intéresser à sa famille : Son arrière grand-mère vient de retrouver une sœur et elles se disputent pour une vieille poupée…

Commence le second monologue : vingt ans plus tôt, Randall, son père,   vit à New-York avec son père Aron, juif incroyant que sa mère Sadie a épousé précisément pour cette judaïté, en souvenir de l’homme qui lui servit de père. Elle pratique assidûment et fait des recherches sur un mystère familial. Pendant ce temps Aron, dramaturge dans le registre comique, s’occupe du garçon. Mais voilà que Sadie les fait déménager à Haïfa. C’est la guerre entre juifs et arabes.  Randall fait une rencontre perturbante…

En 1962, Sadie, la mère de Randall, vit à Toronto où ses grands parents sévères et ennyeux l’élèvent pendant que sa mère tente de se faire un nom comme chanteuse.

Ce monologue est le plus réussi avec celui de Sol : Sadie vit dans un univers de contraintes et d’obsessions qui sont bien mises en valeur : la torture de la fillette quand elle doit se vêtir avec des porte- jarretelles  à Six ans ! Son penchant à la destruction  autopunitive symbolisé par « l’Ennemi » qui lui commende de se faire souffrir à chaque manquement à la Règle en se cognant la tête cent fois contre le mur…

Alors qu’elle est reprise par sa mère et le compagnon de celle-ci et commence à vivre une existence bohème, agréable, un homme inconnu fait son apparition et se jette dans les bras de sa mère…

En 1944, Kristina, mère de Sadie, vit dans une famille allemande, et, dans la guerre, éprouve de la frayeur au sujet de la mort, de nombreuses interrogations à propos des automates, des pendules, de la façon d’interpréter l’immobilité des êtres et des choses…

Un soir, sa sœur Greta lui fait d’inquiétantes révélations pour se venger du fait que Kristina a joué avec sa poupée…

 

A travers ces monologues d’enfants assez plausiblement imaginés, nous voyons défiler les grands événements qui ont secoué l’Occident pendant soixante ans- les conflits armés et leurs conséquences en particulier. Nous apprécions aussi la manière dont les enfants de six ans se posent d’importantes questions, qu’ils oublient par la suite. 

 
 
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commentaires

S
J'aime beaucoup cet auteur pour son écriture claire et limpide, son analyse nuancée des motivations intérieures de ses personnages, sa féminité bien campée. Lignes de failles reçoit ma préférence pour la superbe contruction en gigogne de son récit, la fluidité du mouvement ascendant qui l'anime, tel l'émanation de ces âmes liées entre elles, comme les branches de l'arbre généalogique qu'elles représentent.    
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<br /> Moi aussi, j'aime beaucoup Nancy Huston. Les romans, pas trop les essais ( quoique Nord perdu avait sa pertinence). Et son dernier est un des meilleurs.<br /> <br /> <br />
P
J'ai adoré ce livre. J'ai aimé cette chronologie ascendante, ces monologues qui remontent d'une génération à chaque fois, et pourtant ce "cause à effet" qui rompt la chronologie, puisque les évènements entre eux ont des retombées étranges que seul l'auteur et le lecteur décryptent. Pour moi, la "vraie" fin est l'altercation entre ces deux vieilles dames pour une poupée...enfin, c'est comme ça que je l'ai ressenti.Merci de ce billet qui donnera envie à plein de monde de lire ce livre !Kiki
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J'espère bien faire quelques nouveaux lecteurs ! merci aussi de votre lecture intelligente. J'ai lu  plusieurs  romans de Nancy Huston, celui-là compte parmi les meilleurs.Oui les deux femmes âgées qui se disputent la poupée est trsè émouvant.

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