« Les hommes qui se perdent de désirer feraient bien de s’en tenir à leurs besoins. Dans un monde où l’hubris du désir sera muselée pourra naître une organisation sociale neuve, lavée des luttes et des oppressions et des hiérarchies délétères. »
Renée Michel, gardienne d’immeuble, qui s’annonce rageusement « la concierge », ouvre son histoire avec cette sentence et nous apprend qu’elle cite la onzième thèse sur Feuerbach dans « l’idéologie allemande » de Marx.
Un Marx que l’on croyait dépassé, usé, mais que le programme de l’agrégation semble relancer avec un certain succès.
Et Mme Michel ajoute « Qui sème le désir, récolte l’oppression ».
Mais comment suivre ces conseils de sagesse, Mme Michel?
Oui, comment, M. Marx (puisque c’est lui)? Avez-vous bien réfléchi?
car les hommes ne peuvent s’en tenir à leurs stricts besoins. Ce n’est pas dans leur nature. C’est même cela qui les distingue des animaux.
Le bébé qui a déjà assez bu pour satisfaire son besoin de nourriture continue à réclamer le sein. Et parfois, c’est l’inverse, il n’en veut pas, alors que son corps le réclame.
L’homme ne veut pas avoir de relations sexuelles juste pour procréer. Et parfois, il s’en fiche de procréer… l’homme a toujours affaire au désir.
Ça commence mal ! je vais m’engueuler avec ma concierge ! On m’a toujours dit que je n’étais pas conviviale.
Elle tient la loge d’un immeuble de gens hyper-aisés, dont on sent qu’ils ont pour préoccupation principale d’échapper à l’impôt sur la fortune.
Renée Michel se veut une concierge différente. Depuis 27 ans, elle bouquine, des lectures très sérieuses, elle regarde des DVD de cinéma d’auteur, et malgré cet entraînement intensif, elle réussit à être concierge dans l’escalier, à feindre d’avoir l’esprit d’escalier, à faire reluire la rampe, et même à se fabriquer un semblant de vie de concierge à l’ancienne : vilaine mise, soupe aux choux qui mijote, TV allumée toute la journée.
Elle fait le service minimum en ayant l’air d’en assurer le maximum.
« Concierge « doit se lire comme une métaphore « Dans la recherche du temps perdu oeuvre d’un certain Marcel, autre concierge notoire, Legrandin est un snob écartelé entre deux mondes, celui qu’il fréquente et celui dans lequel il voulait pénétrer ».
Là je comprends bien ce qu'à voulu faire l'auteur! mais je ne suis pas sûre qu'elle ait réussi.
Mme Michel souffre qu’une virgule soit mal placée : « Madame Michel, pourriez-vous, réceptionner les paquets » la rend malade pour la journée.
Heureusement, elle se fait des amies : Paloma, douze ans, pré-adolescente surdouée qui s’ennuie à mourir chez ses riches et stupides parents. Un monsieur japonais, qui, en dépit de son compte en banque affreusement garni, se révèle un miracle de raffinement et de distinction. Et Manuela, l’amie de toujours, qui cuisine des gloutofs.
C’est bien dommage que les Bons soient d’un côté et les Méchants de l’autre…
Nous, le lecteur, ni bon ni méchant, on pense que l’on ne serait admis ni chez Mme Michel ni chez les Riches.
Patatras ! A peine la jeune Paloma a t’elle trouvé un but à sa vie « plus tard je serais concierge » que le récit sombre dans une sorte de mélodrame trop bien connu.
Les aventures de Mme Michel prennent fin dans la rue du Bac.
Son péché c’était donc bien d’avoir étudié sans autorisation.
Référence : Murielle Barbery " L'Elégance du hérisson" ; Gallimard, 2006.
Une autre que l' Hérisson hérisse : Mlle Bille : lisez son billet, vous allez enfin rire un peu.
lisez aussi Acide critique sur la question, c'est pas mal non plus.
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