Titre anglais : The Passenger
David Locke travaille pour la TV anglaise ; il doit rencontrer en Afrique noire un groupe de révolutionnaires qui veut renverser le régime en place et les interviewer. Sa voiture tombe en panne dans le désert. Il réussit à regagner l’hôtel et, dans la chambre contiguë à la sienne, découvre son voisin Robertson, mort dans son lit. A la surprise effrayée, succède le plaisir, généré par l’idée quelque peu diabolique qui lui vient à l’esprit. Echanger son identité civile avec celle du mort. Echange des photos sur les passeports, vol des affaires de Robertson, surtout son agenda avec ses rendez-vous. Transport du cadavre dans sa propre chambre ; annonce à la réception de la mort de Locke.
Puis, suivant les indications de l’agenda, il se rend à Munich pour y retrouver Achébé qui dirige le groupe de révolutionnaires africains. Robertson avait des plans d’armes à leur vendre. Locke se charge de la transaction, reçoit l’argent et rendez-vous à Barcelone pour un nouveau contrat.
Rachel, la femme de Locke, se trouve à Londres avec Martin, son employeur. Apprenant sa mort ils discutent ensemble de sa carrière. Sachant que Robertson est le dernier à avoir vu Martin vivant, ils cherchent à le joindre.
Achébé s’est fait prendre par la police à Munich, et Locke ne trouve personne à Barcelone. En revanche, il aperçoit Martin, qui cherche Robertson, et prend la fuite. Dissimulé dans la Casa Battlo, il rencontre une jeune fille, étudiante en architecture, se confie, lui demande de l’aide. Elle va récupérer ses affaires à son hôtel, sème Martin qui surveille les abords.
Mais Rachel, a trouvé les effets de David à l’ambassade d’Afrique, son passeport avec la photo de Robertson dessus, et avertit la police espagnole. Les policiers qui ont coffré Achébé partent à la recherche de Robertson supposé l’avoir assassiné. Rachel part à sa poursuite à lui.
La course-poursuite aboutit à Almeria où David fuit toujours avec son amie occasionnelle. Ils se séparent et il se rend à Osuna pour le rendez-vous suivant indiqué sur l’agenda. Descendu à l’hôtel, il y retrouve la jeune fille qui a pris le nom de « Mme Robertson » la persuade de partir et s’enferme dans sa chambre. C’est par la fenêtre de cette chambre que l’on voit Rachel, les policiers, et la jeune fille découvrir Locke étendu mort sur son lit, après que l'on ait longtemps contemplé la cour à travers les grilles de la chambre.
Film d’action et beaucoup plus que cela. Locke abandonne son identité pour celle de Robertson, homme d’affaire vendeur d’armes. Tandis que l’on évoque la personnalité et la carrière de Locke supposé mort ( grâce à Rachel et Martin) le vrai Locke se débarrasse de tout ce qui le représente concrètement, voiture, vêtement, matériel photo et caméra, et endosse la chemise de Robertson, utilise son billet d’avion, son agenda, son revolver.
Pourquoi a t’il échangé son identité ? David Locke tel que sa carrière est rapportée, n’était pas un raté, ne détestait pas sa profession, appréciait les situations difficiles en tant que reporter, était admiré et critiqué en même temps.
Robertson était un trafiquant d’armes, mais il les vendait à des révolutionnaires désireux de libérer leur pays, et il a été aussi…poète. Un homme encore plus mystérieux que Locke. On songe à Rimbaud…
Dès lors que David se fait passer pour Robertson, ce dernier n’est plus tout à fait mort et David beaucoup moins vivant…
Petit à petit on se rend compte que David Locke en avait marre d’être lui-même ; Robertson était plus efficace que lui, un véritable homme d ‘action.
David a voulu la liberté : faire table rase de lui-même, prendre la peau d’un autre. Il est dans une impasse. En lieu et place de sa caméra il n’a plus que ce revolver : il s’agit de viser une cible.
En tant que reporter il agissait selon un plan par lui décidé, à présent il n’a plus qu’à suivre les indications d’un agenda. Ne prenant plus de décision, s’il veut savoir quoi faire de lui, il s’en remet à la jeune fille rencontrée à Barcelone. C’est elle qui lui conseille de continuer à être Robertson, afin d’avoir un but.
Locke : rapport avec le verbe to lock : verrouiller. Enfermer.
En effet si dans un moment d’absence David Locke prend l’identité d’un mort ( jeu sérieux) il s’enferme dans un itinéraire plus décevant qu’aventureux, dont les épreuves ne s’avèrent pas gratifiantes, et qui s’achèvent dans une course-poursuite. Pourtant c’est dans un hotel « Gloria » que prend fin son périple. Est-ce une dérision ? David n’a rien gagné à devenir Robertson. Il aurait pu se suicider d’abord, la fin eût été moins longue.
Juste avant sa propre fin, à l’hôtel Gloria, il dit à la jeune fille devenue sa confidente, qu’il a connu un aveugle qui a recouvré la vue à l’âge de quarante ans. Déçu de la transformation, ce dernier ne voyait que saleté et laideur par rapport à ce qu’il avait imaginé. Et ce qu’il voyait lui faisait peur : le mouvement, les choses en mouvement.
Il s’enferma alors dans sa chambre et y vécut à nouveau dans l’obscurité, jusqu’à son suicide.
Antonioni est mort...