Ce récit est publié en 2007 chez Philippe Picquier, et traduit du japonais par Corinne Atlan.
Dans un long monologue théâtral que l’on hésite à qualifier de roman, un jeune homme met en scène son mal de vivre.
Suite à des problèmes avec son despote de patron, il a décidé de s’enfermer dans sa chambre et de n’en plus sortir, c'est-à-dire de devenir un hikikomori (reclus volontaire). En outre, il entretient ses parents car son père est au chômage depuis très longtemps. C’est la dépression disent les autres. Lui, il pense à La métamorphose de Kafka, souhaitant parvenir à se transformer en « cancrelat ». (Mot écrit en gras et répété).
A défaut de réussir une transformation aussi radicale que Gregoire Samsa, il réfléchit à la Métamorphose ainsi qu’à d’autres nouvelles de Kafka, et fait sur ces textes des commentaires sur la condition humaine et les rôles que l’on nous impose,tout au long de la vie, la société, les proches (ceci n’a rien de bien nouveau) mais ce qui est plus fin, c’est que l’auteur réfléchit aussi sur les rôles que l’on joue pour soi… en face de soi, pour se duper soi-même.
Bientôt nous apprenons que la réclusion du narrateur fait suite au dépit qu’il éprouva après avoir tenu un blog « journal intime plus critique de livres » sur le Net, avide qu’il était de reconnaissance par un public plus vaste que ses parents et quelques liaisons sentimentales décevantes. Un site qu’il appelait EARL (le comte dit-il mais il y a aussi Lear dedans). Il envisage d’annoncer son suicide sur tous les sites possibles croyant intéresser les gens par ce biais :
« Ça fera un sacré grabuge, c’est sûr ! Le téléphone sonnera sans répit dans tous les commissariats du pays, dans le combiné on entendra des cris désespérés demandant d’empêcher mon suicide ! Ils chercheront tous éperdument à savoir qui est EARL ! … les médias eux aussi, ayant eu vent de ce tumulte, se rueront sur mon site !... » Moi désignera en même temps l’ensemble de tous les anonymes du cyberespace ! Tout le monde sera « Moi » ! »
Le roman s’achève ainsi dans une progression nette vers la paranoïa, l’auteur ayant voulu montrer semble t’il le développement d’un ressassement qui tourne au délire et à l’explosion de haine contre soi.
Le propos est décousu et volubile, le ton vif et rageur donne tantôt dans la dérision, tantôt dans l’analyse introspective, Quelquefois de l’humour et aussi un peu d’ennui. L’ensemble vaut la peine d’être lu.
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