J’avais une dizaine d’années ( 1963 environ) lorsque mon grand-père acheta un poste de télévision à ma grand-mère pour son anniversaire, afin de lui procurer davantage de distractions.
Il fut installé dans l’entrée à gauche de l’armoire à bibliothèque contre une portion du mur qui s’interrompait un peu plus loin pour
laisser place au couloir menant au séjour.
Peu après le repas du soir, mon grand-père annonça que l’on regarderait les informations sur la première chaîne.
Lorsqu’il eut branché le téléviseur, nous vîmes l’écran tacheté de petits points gris et troublé de corpuscules semblables à ces bulles d’air qui se forment dans l’eau d’un aquarium
lorsque l’on souffle dans un tuyau immergé dans le liquide. Puis l’écran joua au ciel orageux, s’assombrit et des zébrures le traversèrent tandis que l’appareil émettait tantôt des
sifflements de serpents, tantôt des grésillements de friteuse ou des chuchotements de machine à vapeur.
Les spectateurs se gaussaient de mon grand-père, qui, tout spécialiste qu’il fût ( il avait été ingénieur à L' EDF du temps de sa " vie active" ) ne parvenait point à régler la chose. Enfin, l’on vit apparaître des mots et des images sur ce fond brouillé et l’on devina tant bien que mal qu’il s’agirait d’un film de fiction.
Et ce n'était certainement pas la première chaîne! Où était-elle passée?
L’histoire m’impressionna fort : pour ce que j’en saisis, le héros était condamné à la vie éternelle sur terre et devait servir le Diable en accomplissant toute sorte de méfaits ; il tentait de refiler son immortalité à diverses personnes qu’il menait à l’agonie mais nul ne voulait échanger son sort contre le sien. Tantôt l’homme avait l’air extrêmement mélancolique, tantôt il se composait un visage démoniaque ; les effets spéciaux ne manquaient pas et peut-être cette variation faustienne était-elle mise en scène dans le goût de l’expressionnisme allemand.
Il s’écoula encore une dizaine d’années pendant lesquelles je m’interrogeais périodiquement sur cette histoire ; je la reconnus par hasard
en feuilletant « Melmoth », dans une bibliothèque universitaire. Alors je lus dans sa totalité ce gros roman touffu. Il me sembla que pendant tout ce temps j’avais erré
sans relâche à la recherche de cet étrange et terrible personnage.La seule différence était que dans mon souvenir le personnage en question évoluait dans des salons et jamais dans la nature, dans
une société de type 18-19eme siècle quasiment tout
le temps.
Récemment, j'ai cherché la trace d'un tel téléfilm en interrogeant Google. J'ai trouvé sur Noosfère, une encyclopédie en ligne, la mention d'un téléfilm de G. Lacombe " Melmoth réconcilié"diffusé en 1964.
Il s'agit sans doute de cet opus, et ce serait donc la nouvelle de Balzac que j'aurais vue adaptée et non pas le Melmoth d'origine...je
chercherai à lire le texte de Balzac aussitôt que possible! Après tout, c'est peut-être une variation du Raphaël de La Peau de chagrin.
Pour moi la TV c'est resté de la fiction, et quelquefois du documentaire.Aussi y ai-je toujours recherché les films, voire le théâtre filmé ( plus fréquent en ce temps là), et quelques
feuilletons.
Après mai 68,résolue à me cultiver un peu sérieusement, je n'ai plus regardé d'émissions de variétés et de blabla.