Comédien, Charles Laughton réalisa son unique long métrage à l’âge de 66 ans.
Le père de John et Susie , un brave petit Yankee de 20 ans est en prison. Il sourit encore et toujours avec la même innocence lorsqu’il se confie à son compagnon de cellule, un homme dont nous comprenons tout de suite que l’on ne devrait rien lui confier. Robert Mitchum, dont la mine hypocrite nous fait peur.
Il ne dira pas cependant où est l’argent qu’il a dérobé dans le braquage d’une banque. Il n’en sait rien.
Il se fait étrangler avec propreté et naturel par son voisin compatissant dont les muscles se crispent un peu trop vite…
Sorti de prison, le voisin criminel est devenu en peu de temps le Pasteur, craint et respecté et épouseur de la mère veuve de John et Susie, la jolie maman candide.
Ce n’est pas d’un bon œil que les enfants voient arriver le beau-père. Dès les premiers regards échangés par le meurtrier et les deux enfants, ils savent qu’il veut le magot du père, et il sait qu’ils savent.
Susie serre sa poupée contre elle, et John décide que l’on ne cédera pas. Le butin confié par leur père, outre sa valeur marchande dont ils n’ont que faire( il détruiront le butin lorsqu’il aura perdu sa valeur symbolique), est un souvenir ambigu mais dont le caractère est sacré.
D’ailleurs comment le monstre saurait-il où il se trouve ?
Toutefois Mitchum apparaît bien comme le dieu vengeur qui vient les menacer pour avoir été complices de leur père.
Le meurtrier justicier dans la chambre conjugale : la mère se plaint, son nouveau mari ne veut pas la caresser. Elle porte une chemise blanche, une lampe éclaire faiblement ses traits anxieux, et le chasseur reste dans le noir. Dit que ce n’est pas correct pour un ecclésiastique puis qu’il n’a pas le temps. Nous tremblons ; mais ce sera tout simple :et elle ne va pas souffrir longtemps ; jetée à l’eau par le monstre, elle a la grâce des Ondines et des Ophélie noyées. Ses longs cheveux et un pan de sa chemise s’accrochent ; image déformée par les eaux et par la vision trouble du pêcheur ivre, qui la ramène à l’air libre avec des précautions infinies.
Débute la course-poursuite du chasseur qui traque John et Susie et leur butin, qui, plus que jamais, est tout ce à quoi ils tiennent. Il se laissent dériver sur l’eau un temps leurs territoire, en barque, sous les étoiles, rêveurs, oubliant quelque peu leur sort.
L’ombre du chasseur s’impose à John, qui se réveille le premier, émergeant de le meule de foin où ils ont cru sage de passer la nuit….
Cette « nuit » reste l’un des plus grands films noirs de tous les temps. La dérive de John et Susie dans la rivière est d’une grande poésie en même temps que d’un suspense qui saisit à chaque nouvelle vision.