Kobo, Abe( 1924-93) "Le Plan déchiqueté" ; roman japonais . Stock ( Biblothèque cosmopolite).
Un détective d’une agence privée à Tokyo (jamais nommée) est chargée de retrouver un certain Nemuro, disparu depuis six mois, dont la fiche signalétique nous est fournie en exergue du roman : 34 ans, chef de division aux entreprises Dainen, vendeur.
Le narrateur-détective s’aperçoit vite que la personnalité du disparu est difficile à déterminer à cause de sa famille. Nemuro Haru , toujours porteuse d’un discours sibyllin, affirme que le seul indice est une pochette d’allumettes venant d’un bar où l’on semble recruter des chauffeurs de taxis « au noir ». Mais pourquoi Nemuro serait-il devenu chauffeur ?
Le détective rencontre aussi le supposé beau-frère de Nemuro, dont il va découvrir qu’il est proxénète ;et fait sans doute travailler sa sœur.
Un jeune homme de l’entreprise Dainen, Tashiro, que Nemuro devait voir avant de s’en aller définitivement, entraîne l’inspecteur sur des pistes fausses en avançant des théories et se rétractant ensuite. Perdu dans le labyrinthe des quartiers de Tokyo, le détective est amené à faire toutes sortes d’hypothèses qui n’aboutissent pas , à partir de la suspicion qu’on a tenté de se débarrasser de Nemuro. Qui aurait voulu empêcher sa femme de se prostituer.
Puis le frère de Haru meurt dans une rixe. Et c’est Tashiro qui menace de se suicider au téléphone, si l’on continue l’enquête.
Le détective se retire de l’affaire et se fait tabasser dans le bar où l’on se livres à toutes sorte d ‘activités illicites. Il perd la mémoire à la suite d’un mauvais coup et vit des expériences éprouvantes : un quartier où il croit reconnaître des bâtiments cesse d’exister dès qu’il s’en approche. Il erre au hasard, dans la ville et la trouve vidée de ses habitants …
Considérant les maigres indices qu’il possède , sur l’homme qu’il recherchait, il s’en sert à présent pour tenter de savoir qui il est lui-même. Une pochette d’allumettes. Un numéro de téléphone .celui de la femme de Nemuro , pense le lecteur ( à moins qu’il n’ait également perdu la mémoire ?)
Elle vient le chercher : elle lui dira qui il est. Mais , c’est une femme de petite vertu, aperçue au bar qu’il voit apparaître. Il se dissimule.
Le voilà enfin soulagé : il renonce à en savoir davantage. Il a l’impression de partir sur un chemin nouveau. :
« A quoi servirait-il qu’on me découvre ? désormais, j’aspirais à un monde que j’aurais moi-même choisi. Ce serait mon monde à moi que j’aurais élu librement ».
Le plan inutilisable de la ville, c’est aussi la « carte » de la personnalité du disparu, remplie de quartiers, immeubles, parkings, bars, anecdotes, photos, … qui sont autant de signes mais pas de points de repère .Lorsque le détective devient amnésique, il est semblable à l’introuvable homme qu’il cherchait.
Les relations entretenues avec les personnes interrogées sont autant de dialogues de sourds : elles répondent une question par une autre, ou par une information invérifiable et qui n’a rien à voir avec ce qui est demandé. Le détective apprend bien quelque-chose sur les activités frauduleuses des gens qui entouraient Nemuro. L’enquête policière est d’ailleurs assez banale, même si entourée de mystère et de pérégrinations sans fin sur les lieux que le disparu est censé avoir hanté. Il s’agit bien d’un individu que l’on a fait disparaître d’une façon ou d’une autre parce qu’il était gênant.
Toutefois, l’acharnement du détective qui se passionne pour une histoire inélucidable, d’où il ferait bien de se retirer, son goût particulier pour la fréquentation de gens qui lui paraissent détenir un secret, pour les lieux inquiétants, où l’on ne peut plus se repérer, font de l’enquête une quête.
Ce n’est pas une quête d’identité : c’est au contraire lorsqu’il est sans recours, en pleine déréliction, que le narrateur semble avoir atteint un but qu’il ignorait rechercher. Est-ce une opération suicidaire ? Une quête mystique ? ….on peut faire différente lectures.
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