Le 21 janvier Arte a diffusé Jules et Jim pour fêter les 80 ans de Jeanne Moreau. Je n’avais encore jamais vu ce film de Truffaut.
De ce roman de Pierre-Henri Roché (dont il adapta également Deux anglaises et le continent) , qui ,à lire, m’avait paru maniéré et ampoulé, il a tiré une
tragi-comédie contée sur un ton à la fois léger et sérieux. Truffaut installe une distance grâce à la voix off, ironique, désinvolte, qui raconte en laissant défiler les images, la vie du couple
sur une génération, laquelle comprend la Grande guerre qui va éloigner Jules de Jim: Catherine les remet en présence.
On s’intéresse à l’affaire sans éprouver de peine lorsque Catherine se suicide avec Jim qui se laisse faire et que Jules est doublement veuf.
Ces deux hommes, me suis-je laissée dire, sont liés par un attachement homosexuel qu’ils ne veulent ou ne peuvent réaliser, et se servent d’une femme pour
s’aimer par procuration.
Le coup de foudre c'est d'abord entre les deux jeune gens qu'il a lieu. Des jeunes gens oisifs, cultivés qui cherchent des occupations dans le journalisme, l'écriture, l'art, les femmes...
C'est ensemble qu'il s'éprennent d' une statue au regard sublime et vont l'admirer en Grèce, puis croient en trouver l'incarnation, en la personne de Catherine dont le sourire
ressemble à la statue. Ce qui pourrait nous rappeler aussi Swann aimant une femme, Odette, qui présente une mystérieuse ressemblance avec la Vénus de Boticcelli…
Catherine n'a d'une statue que le sourire, elle bouge tout le temps, papillonne, danse,court, instable, fantasque, inssaisissable.
Lorsque Jules Catherine et Jim sortent ensemble, on se souvient que celle-ci spontanément se déguise en garçon pour leur première promenade et fait illusion sur les
passants.
Une sorte de pacte semble se conclure ( à quel moment, je n'en sais rien, je ne peux revoir le film...) et Catherine accepte de devenir la "reine" des deux hommes.
Catherine n'est pas « libre » comme on l’a dit, mais prise entre deux feux, va jouer tour à tour le jeu de l'un, le jeu de l'autre, devenir suicidaire, et entraîner Jim,
consentant, jusque dans la mort.
Le duo masculin est aussi soudé que conflictuel ; pendant la guerre, ils sont opposés l’un à l’autre par leur nationalité et craignent de s’entretuer.
(Je me rend compte que dans Rendez-vous à Braye, André Delvaux a dû s’inspirer de Jules et Jim. Les ressemblances sont fortes : un Français et un Allemand lié s par une amitié sérieuse, une femme entre eux, une femme qui ressemble à une œuvre d’art, la grande guerre entre eux, et les noms aussi qui correspondent aux noms que Jim avait donné aux personnages de Jules et lui dans son roman (Julien et Jacques), Jacques qui est volage et julien qui est chaste…)
Cependant Jules est décidé à faire quelque chose de sa vie qui soit plus constructif que le fameux « tourbillon ». Il épouse Catherine, l’installe dans une maison, procrée, travaille à des tâches sérieuses. Jules est le personnage qui tente de se tirer d’affaire.
Jim croit désirer la même chose mais il échoue. Catherine et lui se servent d’une stratégie, prendre chacun un amant pour rendre l’autre jaloux. Ainsi ne savent-ils jamais ce qu’en réalité ils désirent, et s’en vont-ils vers la noyade, seule la mort peut les délivrer d’un jeu qu’il ne maîtrisent pas, et qui les fait souffrir lorsqu’il a fini de les amuser.
La télé a diffusé plusieurs films dont Jeanne Moreau est la vedette; l'un des plus intéressants est " Une Histoire immortelle" d'Orson Welles, s'ils pouvaient le passer...