Michel Onfray croit –en toute naïveté semble t'il- que l’être humain puisse être réellement athée. Il se pose lui-même comme tel. Rares sont, il le dit lui-même, les penseurs qui ont véritablement misé sur l’athéisme ; y compris ceux qui ont été condamnés pour cela : Spinoza par exemple.
« Je désespère [ que les croyants] préfèrent les fictions apaisantes des enfants aux certitudes cruelles des adultes. Plutôt la foi qui apaise que la raison qui soucie… »
Or la foi ( la foi chrétienne par exemple) n’apaise pas toujours, et sans vraiment chercher, bien des cas nous viennent naturellement à l’esprit : Bernanos, Pascal,
Augustin, Claudel…sont constamment tourmentés comme leurs œuvres en témoignent.
le " monde sans Dieu " que décrit Pascal est si frappant, si réel, qu'il ferait perdre la foi à n'importe qui.
En revanche son texte " félicité du monde avec Dieu" est d'une grande faiblesse d'écriture et là où l'homme se proclame croyant, nous le devinons pétri de doute.
Il n’est guère que Michel Onfray lui-même qui, en son athéisme proclamé, se déclare serein.
Bien sûr, la fréquentations de certains justes ou illuminés nous a exaspéré autant que lui et je ne peux que souscrire à des remarques malicieuses telles que : « J’ai rencontré Dieu souvent dans mon existence » in le chapitre « Cartes postales mystiques ». Ceux qui ont connu leur « moment de grâce » et n’ont de cesse de nous en faire profiter, paraissent s’être laissés complaisamment rapter par de sublimes paysages et des scènes édifiantes.
« Dieu est mort ? Cela reste à prouver » constate l’auteur.
Mais si « Dieu est mort » comme le dit Nietzsche, ce "décès" oblige ceux qui y souscrivent à faire le deuil de Dieu. Une telle démarche les plonge dans un fatras de chagrins, condoléances, crises
de culpabilité, retour de dévotion, et interminables rituels de commémorations…si Dieu est mort, rien d’étonnant au fait qu’il persiste à gêner.
Un étudiant avait écrit un graffiti sur un mur " Dieu est mort , signé Nietzsche";
un autre rajouta en dessous " Nietzsche est mort, signé Dieu".
Cette plaisanterie de potache en dit long sur la difficulté que nous rencontrons à nous séparer de l'idée de Dieu. Nous savons que notre corps est mortel et devant
ce fait , voulons toujours parier sur une quelconque âme...
Voltaire préféra dire « S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer », comme s’il craignait par avance les conséquences du deuil. Chaque penseur semble nous dire à sa manière, qu’on ne se débarrasse pas de Dieu à bon compte…Sauf Michel Onfray, qui a des ressources insoupçonnées !
L’auteur a tendance à enfoncer des portes ouvertes ; il nous répète que Jésus n’est qu’un mythe, que ce qui est dans la Bible n’a vu le jour que sous sa forme latine au Moyen Age, que les évènements rapportés dans la Bible ne relèvent pas exactement (souvent pas du tout) de l’histoire. C’est même pour cette raison que l’on a créé le mot « histoire sainte »… et nous « savons « aussi qu’il n’y a pas de dieu mais pouvons-nous réellement dire que nous n’y croyons pas même au niveau de l’inconscient ?
Que dit Freud, dans cet ouvrage parfois évoqué, mais non cité par l’auteur, « L’Avenir d’une illusion » ? Que les croyances religieuses procèdent des névroses, que les pratiques religieuses sont des symptômes. Jamais, il ne se risque à dire que quiconque puisse totalement s’en exempter.
J’aurais aimé que pour défendre la laïcité et combattre le fanatisme, nous puissions disposer d’un ouvrage plus sérieux que celui-ci. Défendre la laïcité est plus
efficace que prôner l’athéologie.
Or, Michel Onfray tout à ses rêves de grandeur, trouve la laïcité « médiocre » comme pensée.
Or, la laïcité n’est pas une pensée, c’est un principe juridique, une loi pour se prémunir du cléricalisme, et des débordements religieux.
Michel Onfray ne se demande pas ce qu’est la croyance religieuse ni ce qui la provoque. Il affirme et questionne peu. Des affirmations souvent gratuites.
Il n’aime pas le questionnement socratique, ni la philosophie qu’il soupçonne d’être non athée.
La libre pensée lui paraît suspecte car elle prétend se passer de Dieu mais non de la morale et de l’éthique chrétienne. C’est juste : toute éthique a des fondements religieux. La loi de
l’interdit d’inceste fonde la civilisation et la culture.
Enfin, Dieu, chacun se débrouille avec ce mot comme il peut...
Michel Onfray " Traité d'athéologie" Grasset, 2005.