Publié pour la première fois en 1961, le roman a été traduit aux éditions Albin Michel en 1970. J’ai en main l’exemplaire du Livre de poche biblio qui comporte 124 pages.
A 67 ans, Eguchi se considère comme un « vieil homme », encore capable de mener à bien une relation sexuelle. Sur le conseil d’un ami, il se met à fréquenter une maison de tolérance assez curieuse : la mère maquerelle endort elle-même ses employées, de très jeunes filles, avec un narcotique puissant, et leur fait passer la nuit, nues sous une couverture chauffante, avec un client d’au moins soixante ans, le « client de tout repos » qui n’est pas censé leur faire beaucoup de mal. Lui-même reçoit deux comprimés de somnifère, qu’il n’est pas obligé de prendre…
Nous savons que cette drogue est employée pour violer des filles que l’on enlève. Ici, ce serait un genre de prostitution soft, non dépourvue de danger pour
autant.
La tenancière, qui accueille Eguchi avec un excellent thé, a des réactions contradictoires : elle le dissuade d’aller trop loin, mais, vu l’exigence de clandestinité, quoi qu’il arrive, il ne saurait être inquiété…
Eguchi va se rendre cinq fois dans la maison de passe, avec chaque fois une jeune fille différente ; ces expériences sont particulières, et se rejoignent. Il éprouve envers les jeunes filles la sollicitude d’un père qui s’inquiète qu’elles aient froid, se souvient de ses propres filles, à des moments clés, de ses relations avec elles. Le plaisir érotique de la contemplation, du toucher, génère des souvenirs imprégnés de poésie.
Il ressent aussi la frustration de partager la couche d’une femme inconsciente, craint qu’elle ne se réveille, souhaite la réveiller, considère avec émotion les paroles et les gestes de la dormeuse, illusoire communication…
Et cette frustration s’affirme un plaisir suspect : l’objet du désir lui est offert sans défense. Il sera tenté de les violer effectivement, voire de les étrangler.
A vrai dire, cette situation m’évoque le film d’Almodovar, « Parle avec elle ».
Eguchi finira, comme il le souhaite, par se trouver confronté avec la mort réelle...
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