En ouverture, nous assistons à une visite médicale : on examine une femme, dévêtue, suspectée d’être juive ; un prétendu médecin énumère les « particularités de son anatomie » à une religieuse qui prend des notes. Les particularités relevées sont d’une cruelle précision ( mesure de l’espace aéro-nasal, du front, remarque sur la courbure des lèvres, mimique, faciès…). Le cas est jugé douteux. Dans l’escalier vers la sortie, la femme, mal à l’aise, rejoint son époux qui a subi le même sort. Ils s’interrogent avec anxiété « comment ça s’est passé ? »
-Bien…
Nous voilà chez monsieur Klein (Alain Delon), marchand d’art, d’abord dans sa chambre à coucher cossue, une fille mi-nue sur le lit. Pétain cause à la radio. Nous sommes le 16 janvier 1942. En robe de chambre, Robert Klein, vêtu d’une robe de chambre luxueuse à grandes rayures longitudinales , prépare une transaction avec un client hollandais ( Jean Bouise, excellent comédien) qui lui cède pour 300 francs un Van Ostade « Portrait d’un gentilhomme ». Klein regrette ironiquement de l’acquérir à un prix tellement dérisoire, l’autre le reprend avec colère et dignité « Alors ne l’achetez pas ! »
Mais l’homme n’a pas le choix…
Au moment où il franchit le seuil, Klein aperçoit « Informations juives » qui émerge de dessous le tapis de porte. Le client hollandais sort de sa poche le même périodique.
Robert se rend compte que le journal était adressé à un autre Robert Klein, dont l’adresse a été biffée et remplacée par la sienne.
Klein se rend au local d’ »Informations juives » reporter le périodique et demander qu’on le raye de la liste. Le directeur des affaires de la communauté juive ne peut rien pour lui, il a dû remettre le fichier des abonnés à la Préfecture.
A la Préfecture, Klein explique encore une fois son cas au commissaire général aux « questions juives », qui note son nom et va s’occuper de son affaire…
Klein est rassuré, nous pas. A sa place on n’aurait pas alerté les autorités.
Il pense que les juifs sont surveillés, en vertu d’une certaine logique, qu’être juif dans ce contexte, c’est répondre à certaines caractéristiques et que lui, Klein est non juif.
Il se lance dans une enquête personnelle, qui le mène à l’adresse de l’autre Klein,
quitte la rue du Bac où il vit pour visiter l’appart dans le modeste quartier des Abbesses. La logeuse a peur, elle ne sait rien de Robert Klein qui a fui, ou se dissimule, et craint que celui là ne soit envoyé par la police. Robert fouille le studio de son homonyme, repart avec une pellicule photo qu’il fait développer : Sur le cliché brouillé émerge la silhouette de l’ancien locataire avec un gros chien. Il ne ressemble à personne que connaisse Klein.
A une soirée, Klein s’entretient avec son ami avocat, Pierre, (Michel Lonsdale) et sa femme, qui est sa maîtresse en titre : elle lui reproche d’avoir une sous-maîtresse et de ne pas le cacher.
Pendant la fête, deux policiers viennent parler à Klein provoquant les soupçons de ses amis.
Klein reçoit une lettre d’une certaine Florence, qui lui dit de la rejoindre à Ivry la Bataille ( petite localité près d’Evreux, Normandie).
Il se doute que ce message concerne l’autre Robert Klein, et, piqué de curiosité, autant que désireux d’éclaircir cette affaire « pour son bien », il répond encore présent à ce nouvel appel.
Vers minuit, il fait les cent pas, dans la sinistre petite gare d’Ivry. Un taxi l’attend, le voilà dans une somptueuse propriété, où se donne une fête plus aristocratique que celles qu’il connaît.
Florence (Jeanne Moreau) l’avise que son message visait l’autre Robert.
Robert 1 passe la nuit dans une chambre, les relations entre Florence et lui sont tendues.
Robert 1 est vexé que son homonyme juif ait une maîtresse plus intéressante que les siennes…
Florence fait un portrait flatteur de l’autre Robert Klein : intellectuel, philosophe, scientifique …avec une conscience et des activités politiques. Robert 1 est dépourvu de ces qualités. Désormais, L’autre Robert est en quelque sorte son double et son concurrent.
Peu après les faits, la compagnie qui vivait clandestinement à Ivry, a disparu « pour le Mexique et revendu la propriété »…
Ont-ils fui ? ont-ils été arrêtés ?
A force de répondre présent à tous les appels concernant Robert Klein 2, Robert 1 est réellement suspecté de judéité. On lui ordonne de produire les certificats de naissance de ses grands parents paternels, et, il apprend que sa famille a une branche hollandaise dont elle ne sait rien.
Il tente de se divertir avec sa première maîtresse dans une brasserie où l’on donne un spectacle de pantomime : une femme vêtue de noir (la mort) voilée chante une mélopée devant une danseuse blonde et fardée en tutu rose. La femme en noir enlève son voile, elle ressemble à un Pierrot et aussi à un homme… apparaît un Gnafron qui représente le juif, en lequel Robert croit voir son client hollandais déguisé… Il se promène avec une pancarte ; la caméra s’attarde sur l’assemblée, coiffures et chapeaux extravagants, agapes, tout le monde se goinfre. Toute une population s’affiche, obscène, en pleine guerre dans les lieux de plaisir.
Dans la salle, un serveur dit qu’on demande Klein au téléphone. Comme à l’ordinaire, Klein se rue sur l’appareil au lieu de faire le mort.
Plus tard dans la nuit, il retourne rue des Abbesses, le téléphone sonne : c’est « Isabelle » qui a vu de la lumière et appelle de la rue en face. Klein raccroche. Il enquête désormais sur cette femme qui se trouve avoir de multiples identités ; elle se cache, de même que l’autre Robert, que Klein voudrait surprendre dans son studio la nuit
Un chien commence à suivre Robert comme son maître. Il croit reconnaître le berger allemand de la photo floue.
Robert rentre chez lui, des voilures, se remplissent de policiers et filent à toute allure comme pour une chasse à l’homme. L’atmosphère est de plus en plus angoissante. La police est chez Robert et fouille. Robert proteste de son innocence, il ne s’est caché de rien ni de personne
« Ce ne serait pas la première fois que l’on se montre pour mieux se cacher ».
Klein est saisi de folie. Pierre procure à Robert de faux papiers pour fuir. Ils s’arrangent pour la vente de son appartement. Dans le train il a pour voisine la femme aux identités multiples …. Il se rend compte que Robert Klein 2 l’a accompagnée à la gare et qu’il l’a croisé sans le savoir. L’urgence d’une rencontre avec ce double rival dont la vie parallèle intervient dans la sienne, se fait sentir. Klein revient chez lui et appelle rue des Abbesses. Les deux Klein se donnent enfin rendez-vous sans intermédiaire…
Pierre, l’ami avocat l’informe qu’il a fait arrêter Robert Klein 2 avant que la rencontre n’ait lieu.
Le lendemain Klein 1 est « arrêté » lui-même à l’occasion de la rafle du Vel d’hiv le 16 juillet 1942, du moins est-il « pris » dans le mouvement. Va t’il enfin rencontrer Klein2 ? Dans la foule, il reconnaît le client hollandais, qui l’observe un instant… ou peut-être ne reconnaît-il personne ? En tout cas le spectateur les voit réunis comme ils le furent lors de la vente du tableau…
C’est un très grand film, une réussite sur tous les tableaux. Traitement subtil du thème du double, dénonciation crue et efficace du racisme, de ceux qui s’enrichissent frauduleusement pendant la guerre, dynamisme du film noir, excellence du suspense, monstration de la culpabilité inconsciente du grand bourgeois irrésistiblement conduit à devenir "Klein," et à le payer cher.
Sur une note comme celle-là le blog peut s’achever.