Cormac Mc Carthy. L’Obscurité du dehors
Titre original « Outer Dark »publié en 1968, traduit en 1991 pour les éditions Actes sud.
J’ai eu l’idée de lire Mc Carthy en voulant lire l’original de No Country For Old Men, le film des frères Coen. J’ai trouvé ce roman qui réunit à peu près les mêmes ingrédients.
Mc Carthy est un auteur important ; on dira inspiré par Faulkner, comme tant d’autres et même un peu plus mais c’est une évidence, et il faudrait plutôt voir jusqu’à quel point il est différent.
Quelque part dans le sud, Culla Holme et sa sœur vivent misérablement et dissimulés dans une cabane au fond des bois. Et maritalement aussi, puisque Rinthy accouche seule d’un petit garçon que son frère subtilise et abandonne dans la forêt. Après un épisode violents ils partent chacun de leur côté, elle pour retrouver son bébé qu’elle sait avoir été récupéré par un vieux colporteur, lui pour fuir, sans but précis. Deux errances parallèles et tragiques. Elle va de maison en maison acceptant un repas une couche pour la nuit, un parcours en carriole… des indications sur le colporteur. Il se fait journalier, et tous les jours fuit vers un autre village. Un trio de tueurs fous rôde dans les environs, s’attaque à des villageois et des passants au hasard, les pendent dans les arbres, profanent des tombes.
L’écriture est somptueuse, luxuriante parfois, précise ; on imagine aisément la silhouette le moindre petit détail d’une personne d’un lieu, d’un objet…
L’auteur a le goût du clair-obscur : « Elle fut accueillie à la porte de la petite maison par un homme qui tenait en l’air une lanterne au-delà de laquelle se dessinait dans une frange de mince lumière les visages serrés de plusieurs femmes de tous âges, dont une antique commère qui n’avait point de nez »
« son balluchon qu’elle tenait haut devant elle, la lampe juste à hauteur de son coude, tourmentée par un papillon de nuit dont la sombre forme projetée sur son visage semblait emprisonnée dans le crâne délicat, l’os mince et luisant d’une lueur rose comme une chose conservée dans un masque de porcelaine ».
« Tard dans l’après-midi, elle entra dans la clairière, arrivant par le sentier où les étroites ornières des charrettes avaient écrasé les herbes et prenant ainsi à travers bois, à demi sauvage et hagarde dans son linceul informe, usé par le soleil, et pourtant si délicate comme l’est toujours une jeune biche, donc pénétrant dans la clairière et s’arrêtant un instant enclose dans une grâle de verdâtre et venteuse lumière, mince et tremblante et pâle avec des mains pareilles à des baguettes magiques pour interpeller ces formes sans squelette qui l’entouraient ».
Les dialogues sont remarquables de vérité, entre personnes qui parlent un langage simple pauvre même, mais que l’auteur sait rendre essentiel.
Le récit, vers la fin, tourne à la parabole biblique : des pourceaux qui courent et attaquent leurs maîtres, Culla, devenu bouc émissaire, doit fuir devant un prédicateur pervers et des porchers vindicatifs, il rencontre plusieurs fois un aveugle sur sa route et s’en suivent des considérations pseudo-philosophiques sur les chemins qui vont et ne mènent nulle part, pour les voyants surtout…
Je dois dire que le récit me plaît moins vers la fin…