Un professeur de menuiserie ( Oliver Gourmet) prend dans son atelier Francis, un apprenti de seize ans, plus ou moins illettré et avare de mots.
Cinq ans plus tôt, Francis fut l’assassin du propre fils de cet homme. Essayant de voler une autoradio, il a étranglé l’autre garçon qui tentait de l’en empêcher.
La femme d’Olivier s’est séparée de lui après la tragédie, a refait sa vie et vient lui annoncer qu’elle est enceinte. C’est alors qu’Olivier prend Francis à son service et qu’il lui témoigne un intérêt certain, que ne peut ignorer cet adolescent, mis à l’écart. Il veut son professeur pour tuteur, n’ayant pas de père attitré (en outre, sa mère ne veut plus le voir).
Olivier lui apprend la vérité que Francis ignorait après lui avoir fait raconter son acte. Il lui demande même s’il regrette son geste
Le dialogue montre de façon elliptique que cette façon d’adopter un autre fils, précisément l’assassin du sien, est fort ambiguë.
Y-t-il une fascination pour le geste criminel ? Déplacement des sentiments éprouvés pour la victime sur l’assassin comme si le geste criminel les rapprochait ?
Amour et haine sont proches. Francis le sait, qui croit être tombé dans un traquenard, devoir subir la vengeance du père, puis doit accepter la gênante situation. Il ne sera jamais tout à fait en paix. Cet homme est-il là pour lui rappeler son crime ? Un jour futur ne sera-t-il pas la victime, à son tour ? Jusqu’à quel point la situation est-elle clarifiée à la fin du film qui résout une première crise mais nous ne voyons pas le mot fin s’inscrire.
La relation nouée entre eux peut se révéler fructueuse, mais la possibilité d’un retournement de situation est toujours patente.
La façon de filmer des frères Dardenne montre des visages fermés, de très gros plans, préférence pour le profil et le dos plutôt que le visage. Des cols et des nuques, des pellicules sur les vêtements. Des gestes lents, besogneux, un véritable intérêt pour le bois et le travail de ce matériau ; C’est ce rapport au travail et à la matière qui tend à authentifier, dans une certaine mesure, les relations entre le menuisier et son apprenti.
Télérama avait fait, je m’en souviens, de ce film, une parabole évangélique : lorsque les jeunes apprentis portent des madriers et que Francis, manque d’habitude ou trouble, laisse tomber le sien et se blesse, il faudrait penser au Christ chutant sur le chemin de croix.
Une autre lecture est permise, c’est pourquoi le film est intéressant. Le « pardon » est une notion tout à fait ambiguë surtout chez ce charpentier qui n’est pas chrétien. Son intérêt pour le gamin peut sembler tantôt louable, tantôt diabolique.
S’agit-il de pardon ? Pardonne-t-on à celui qui ne demande rien de tel, qui ne se repend pas de son geste ? Ici, il est nécessaire d’envisager autre chose. Celui qui a privé Olivier de son fils, occupe désormais une place similaire, sans que, bien sûr le défunt ne soit remplacé.
Le prix à payer pour avoir tué le fils d’Olivier, c’est pour Francis l’obligation de prendre sa place, que, peut-être, il convoitait.
« La main qui inflige la blessure est aussi celle qui la guérit ».