Titre original « A House and its Head » publié en 1935. C'est le quatrième roman de l'une des plus célèbres romancières victoriennes, et à présent mon préféré avec « Frères et sœurs » que j'ai également chroniqué.
Je n'ai pas choisi ce roman parmi plusieurs autres : il était disponible à la bibliothèque, c'est tout. Christiane Jordis a
publié un essai sur Ivy Compton-Burnett « L'Univers concentrationnaire ».
Mais il n'y a rien dans ces familles victoriennes, haineuses et avides de pouvoir ou d'argent qui ne se puisse retrouver dans n'importe quelle famille! Simplement, l'auteur veut mettre en lumière ce qui d'ordinaire ne se dit pas, et que nul n'ose même penser sérieusement.
Titre : « famille » (House) doit s'entendre sur un plan social davantage que psychologique : il s'agit d'une demeure où vivent des personnes de la même famille qui sont impliqués dans des conflits d'intérêts financier tout autant que familiaux.
« Head » : c'est l'instance qui commande, et n'est pas seulement le père de famille.
Quelques jours après Noël en 1885, Ellen Edgeworth, femme de Duncan, maître des lieux, meurt, dans une indifférence à peu près totale. Elle était malade depuis longtemps, soumise, effrayée, contrainte par Duncan, tyran domestique, de travailler malgré son mal, lequel n'a pas été diagnostiqué. A peine enterrée, Ellen est remplacée par Allison que Duncan ramène de chez « la tante Maria ».
Allison a 28 ans, Duncan 66. Le neveu de Duncan, Grant, qui est aussi son fils adoptif, se sent menacé dans son rôle d'héritier. Il fait aussitôt des avances à la nouvelle épouse. Enceinte, elle accouche d'un garçon Richard, qu'on reconnaît pour celui de Grant, car il a une mèche blanche dans les cheveux, signe que partagent les membres de cette famille.
Duncan est averti. Qui est responsable de cette indiscrétion ? Il semble que Sybil, la fille cadette de Duncan, qui affiche une forte affection pour son père, ait « payé » la nurse pour faire des révélations. En tout cas les commérages vont bon train.
Allison s'enfuit avec un galant. Duncan annonce son troisième mariage avec Cassie, gouvernante des enfants, qui est la fille de Gretchen une redoutable vieille femme qui régente son pasteur de fils Oskar.
Au même moment, Grant, que son oncle n'a pas chassé malgré la disgrâce qu'il lui fait subir, se marie, lui aussi, avec Sybil.
Cassie et Sybil sont enceintes en même temps.
Le bébé Richard est assassiné...
Conflits :
Le principal est entre Duncan et Grant. La mort d'Ellen, met Grant en difficulté, le remariage de son oncle lui permet de faire un enfant à Allison avant que Duncan (qui a 66ans) y ait lui-même réussi.
Duncan tire la leçon de son échec : il épouse Cassie qui attendait son heure (Il devait l'épouser lorsqu'il s'est entiché d'Alisson...).
Que va faire Grant?
Sybil, jolie fille de 18 ans, voulait épouser Alméric, mais il s'enfuit avec Alisson. Que lui reste t'il ? Son père, qu'elle a déjà servi en lui faisant savoir que Richard n'était pas de lui ?
Sybil et Grant s'unissent en dépit de leurs dissentiments.
En tout cas ces intrigues valent à Sybil a fortune de tante Maria. Son rôle dans l'histoire reste ambigu. Qui sert-elle vraiment ?
Nance : elle vise le pasteur Oskar et l'obtient (à la mort de Gretchen).
Elle intervient par ses remarques satiriques sur sa famille et n'épargne personne, à l'opposé de Sybil qui se donne le rôle d'aimer » tout le monde. Chacun son
jeu !
Style : des dialogues brillants et cyniques. Les personnages sont tous brièvement présentés (comme des didascalies internes au texte), lors de leur entrée en scène. Ils sont plus complexes que cette présentation. Tout le monde parle des conflits évoqués ci-dessus à travers des propos ordinaires et il faut saisir le double sens. Il est difficile de saisir exactement où en est chacun. Il faut deviner à partir des propos elliptiques, des remarques apparemment insignifiantes, des pointes nombreuses et convenues. Apparemment assez simple, l'intrigue et les dialogues résistent à la première lecture.
Ce livre se révèle énigmatique contrairement à « Frères et sœurs ». Il faut étudier les second sens des répliques, les relations entre elles qui peuvent mener à un plus grand dévoilement.