Matthew, qui fut un jeune américain venu faire ses études à Paris, se souvient de la façon dont il a vécu « mai 68 ».
Il occupe une belle chambre dans un hôtel cossu, belle mais dépourvue de toilette, raison pour laquelle il pisse fréquemment dans la cuvette du lavabo. Mince, il
asperge sa brosse à dent, dites donc ! Tant pis, il ne s'en sert pas, il se le fait au doigt...
Ne croyez pas que je dise cela en vain. C'est une de ses occupations principales, en plus d'écrire à sa mère.
Il est en grève, les cours ayant cessé. La cinémathèque est occupée et Henri Langlois démis de ses fonctions. Au cours de la manifestation de soutien,iI fait la rencontre de deux jumeaux de 17/18 ans, Théo et Isabelle, étudiants en cinéma comme lui. Ils l'invitent dans l'appartement, rue de Valois, que les parents ont délaissé pour partir en vacances, leur laissant des chèques sur le frigo.
Les trois adolescents jouent à mimer des scènes de film célèbres, que les autres doivent deviner. Ainsi Isabelle dit « je suis née en 1959 sur les Champs Elysées » et Matthew visionne Jean Seberg vendant des journaux sur cette avenue dans A bout de souffle.
Ensuite, on mime la Reine Christine, les lumières de la ville, Keaton, Scarface, Freaks, Bande à part... Isabelle c'est Eva Green, le nom me dit quelque chose mais je ne l'avais jamais vue. Elle est mignonne. Louis Garrel (Théo) semble abonnés aux rôles d'étudiants révoltés et introspectifs. Ça lui va plutôt bien.
Les trois adolescents vont former un huis-clos dans l'appartement. Tandis que leurs camarades politisés manifestent et se battent sous leurs fenêtre, ils s'adonnent à des jeux sexuels : Théo se masturbe tandis qu'Isabelle lui plante un ballet O'cédar dans les fesses... Matthew est choqué et fasciné. Bientôt il a un gage et doit faire l'amour à Isabelle sous le regard de Théo. Il la déflore, le frangin est jaloux. On tente le ménage à trois sans vrai succès.
Les garçons se disputent parce que Matthew se rend compte qu'il y a un soulèvement social d'importance, et que Théo ne va pas rejoindre les grévistes actifs, ce qui
ne l'empêche pas de répéter des slogans maoïstes.
Bientôt tout cela ne les amuse plus, et tous les chèques des parents sont dépensés... ils vont fouiller dans les poubelles : il y a du choix ! Les
éboueurs sont en grève...
Les jeunes gens s'ennuient : pour lutter contre dépression, aller dans la rue s'occuper à monter les barricades paraît une solution au moins provisoire !
Ça me fait penser aux Enfants terribles de Cocteau, en moins terrible, car ici, l'on assiste à une sorte de "mi-happy end".
En effet, dans les " Enfants terribles", le huis-clos s'achève sur la mort de tous, et dans "Innocents", celui qui joue le rôle du troisième ( Matthew) ne va pas jouer le jeu
jusqu'au bout. Sa fonction est de séparer les jumeaux, et de les abandonner, moins heureux qu'ils n'étaient au début. Lui-même se sent davantage concerné à la fin du film et commence
à comprendre quelle attitude il veut avoir, vis-à-vis de ses amis, envers la situation politique aussi
Le titre "innocents" laisse à penser que les trois jeunes sont en-deçà du péché, qu'ils se meuvent dans un espace libre de contraintes, situation qui se
révèle finalement contraignante. La fin de l'innocence?
Mais on risque d'interpréter le film comme une dénonciation de la fameuse « démission des parents intellectuels qui ne savent pas quoi faire de leurs mômes » ? (cliché rebattu). Ou que les jeunes de mai 68 sont descendus dans la rue parce qu'ils avaient besoin de tutelle... !
Pas tous !
Ce deuxième DVD du coffret Télérama « les films de mai 68 » me paraît moins original, dans son traitement, que « les Amants
réguliers » mais pas si différent : c'est un film où l'on se rend compte lentement que l'on doit perdre ses illusions et ses rêves à l'approche de l'âge adulte.
Il se laisse voir sans déplaisir mais je n'y trouve pas la force de grands films de Bertolucci tels que " Le Conformiste".