Jude Fawley est orphelin et a dû travailler très tôt dans sa vie. Il livre tous les jours le pain de sa tante la boulangère en échange du gîte et du couvert. Mais il rêve de faire des études, de devenir enseignant écrivant ou chercheur. Lorsque débute le roman, l'instituteur Phillotson, va quitter la petite ville, et s'il avait été sincère, il aurait dû emmener Jude avec lui, connaissant ses aptitudes et ses ambitions. Mais il s'en fiche, admettra seulement de lui expédier des grammaires grecques et latines. Jude apprendra seul en travaillant. A dix-huit ans, il part à pied pour Christminster (Oxford) après un mariage raté avec une paysanne qui a feint d'être enceinte de lui, Arabelle. Il a appris un métier : tailleur de pierre et s'est beaucoup instruit en autodidacte.
Mais à Christminster, il vit de son métier et ne trouve aucune embauche dans les milieux intellectuels. Les professeurs l'envoient promener en lui enjoignant de rester dans sa classe sociale (le monde ouvrier et artisan).
Jude rencontre sa cousine Sue, elle aussi en mauvaise posture. Elle a quitté ses parents qui ne pourvoient pas à ses besoins. Elle aussi est cultivée et pauvre. Jude est épris d'elle depuis l'enfance et rêvait à partir de sa photographie.
Sue intègre une école d'institutrices, mais elle est trop libre de pensée et de caractère pour le supporter et s'enfuit. Quoique Jude et elle s'entendent bien, elle ne veut pas lui céder, soit par frigidité, soit pour d'autres mystérieuses raisons. Elle se résout à épouser l'instituteur, qui n'avait guère aidé Jude et qui sera décidément son rival....
Mais la vie conjugale avec cet homme lui répugne et elle s'enfuit encore, se met en ménage avec Jude. «La guerre terrible qui se livre entre la chair et l'esprit»
N'ayant pu vivre de leur intelligence , ils végètent, font de petits jobs. Malgré leurs connaissances, ils laissent venir les naissances inconsidérément. Jude doit récupérer le fils d'Arabelle, dont elle prétend qu'il est le sien. Ce petit garçon est gravement perturbé et se suicide entrainant ses frères dans la mort. Le ménage n'était pas heureux, il explose, et Sue retourne avec M. Phillotson.
Jude est atteint de tuberculose et agonit seul dans la maison d'Arabelle, en prononçant des paroles désespérées du Livre de Job en guise d'excipit....
Jude l'obscur est un roman unique :
Thomas Hardy écrivait dans son journal : « ce sera une nouvelle sur un jeune homme qui n'a pu aller à Oxford. Ses efforts, son échec.» Hardy estime que «le monde doit savoir» quelles difficultés rencontrent les non-privilégiés pour s'instruire - l'ultime ambition de Jude.
L'auteur veut aussi contester les lois sur le mariage, qui «constituent la machinerie tragique de l'histoire».
Effectivement, traiter un tel sujet à l'époque, et avoir des revendications aussi radicales, c'est tout à fait remarquable.
Thomas Hardy n'a pourtant pas complètement réussi son roman. Il tourne au mélodrame : le nombre de pépins qui pleuvent sur les héros finit par agacer et nuit à la vraisemblance.
Le retour d'Arabelle l'épouse de Jude et ce petit garçon dont les penchants sont tellement destructeurs sont en trop. Le mariage avec Arabelle, tôt dans le roman, m'ennuie. On a peine à croire que Jude la prenne au sérieus, se contraigne à l'épouser. Il ne convient pas au roman qu'il soit à ce point naïf. On ne saisit pas très bien non plus pourquoi Jude et Sue, qui sont tout de même des esprits éclairés, enchaînent les naissances non désirées dès lors qu'ils se sont mis en ménage... !
Malgré ces imperfections, Jude l'Obscur reste un roman cher à mon cœur.
Le personnage de Sue est plus intéressant que ses homologues françaises tels que la Marie de l'Education sentimentale, ou encore Louise de Rênal et Mathile de la Mole dans le Rouge et le noir, deux romans par ailleurs tout à fait bons... Les romanciers français du 19eme siècle ( pour ne pas parler du 20eme...) ne mettent en scène que des femmes incultes, tout juste bonnes à tomber amoureuses, faire des dettes, et/ou à intriguer. Il faut lire les pages où Jude et sa cousine ont des conversations sur la littérature et la société.... !
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