L'Olivier, 2008. 320 pages
Aaron Appelfeld est un romancier israélien que le Salon du Livre de mars 2008, m'a donné envie de connaître.
Je suis en retard pour le lire mais moins que pour les Salons précédents (Inde et Russie) dont je n'ai pas davantage lu les livres achetés à ces occasions.
Nous voilà en Bucovine, à la frontière de l'Ukraine, de la Pologne et de la Roumanie, en pleine guerre.
Les Mansfeld sont des notables appréciés et tiennent une pharmacie. Persécutés comme tous les juifs, et parqués dans un ghetto. Le père et l'oncle d'Hugo ont été déportés, la mère, craignant pour elle et son fils, doit confier ce garçon de onze ans à une ancienne camarade de classe, Mariana qui est employée dans une maison close.
Hugo doit demeurer la nuit dans un réduit communiquant avec la chambre de Mariana, qui lui ouvre sa porte dans la journée. Cette pièce qui l'intrigue est évidemment bien différente de ce qu'il a connu « Cette chambre ne ressemblait pas à une chambre. Les tentures roses et les effluves de parfum lui conféraient l'aspect d'un salon de coiffure pour dames. Il y en avait un près de chez lui. Là-bas aussi il y avait des meubles roses. On y lavait la tête de femmes plantureuses et on leur faisait les ongles des pieds et des mains. L'ambiance étai à la nonchalance, au rire et au plaisir. Sa mère n'en franchissait jamais le seuil... »
Au fils des mois, une relation forte se noue entre le garçon et sa protectrice. Mariana est alcoolique, malheureuse, très croyante, persuadée de vivre dans le péché. Elle pense se concilier les bonnes grâces de Dieu en cachant un enfant juif à ses risques et périls, en même temps elle s'attache fort à Hugo en souvenir de l'oncle Sigmund qu'elle a aimé.
Hugo vient d'une famille athée (« L'idée que la vie était passagère, et que les morts ne se relevaient pas, lui était déjà douloureuse. ») et, au contact de Mariana, apprend des prières, des passages de la Bible aussi bien que le développement de sa sensualité et la méditation, dans son incarcération forcée.
Le progrès de cette relation donne au livre la forme d'un roman d'apprentissage.
Ce roman est très prenant, explore les deux destins de la femme et du jeune garçon, sans fioritures avec justesse. Les dialogues sont courts, vifs et justes, et les phrases sobres, sans ornements.
Ce style contraste avec les logorrhées de Mariana, ses plaintes diverses, ses envolées lyriques religieuses, quasi mystiques, et qui finissent par lasser, parce qu'à l'inverse d'Hugo, le lecteur, s'il la trouve sympathique, n'en est pas amoureux, et n'est pas prêt à endurer tous ses discours.
La façon dont ces jeunes femmes vivent les derniers moments de la maison close, avant leur fuite, est bien vue, la relation de leur procès terriblement vraie, mais là aussi, les discours religieux de certaines, relatés dans leur intégralité m'ont lassée, alors que peut-être j'aurais dû les trouver poétiques ???
La fin du roman laisse une impression ambiguë. Lorsqu'Hugo retourne dans sa ville natale, après l'arrivée de l'armée russe et la fuite des allemands, il rencontre le portier du collège où il allait en classe trois ans plus tôt qui peine à le reconnaître.
« Hugo s'adressa à lui comme autrefois :
- Bonjour, monsieur Ivan.
Ce dernier transperça Hugo de son regard.
- Qui es-tu ?
- Mon nom est Hugo Mansfeld, vous ne vous souvenez pas de moi ?
- Je vois que les juifs reviennent...
Il était difficile de savoir ce qu'il en pensait. »
Sa famille a disparu, ainsi que ses amis et il n'a plus Mariana.
D'autre part, il rencontre aussi des gens heureux de le voir, et des réfugiés...prêt à endurer d'être à présent seul au monde.
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