Editions Fayard 2001
L'auteur, Ed Mc Bain, une référence dans le domaine du polar, a commandé trois « novellas » (plus longues que des nouvelles, et plus courts que des romans, soit de 70 à cent ou cent vingt pages environ) à des romanciers reconnus.
Des billets sur la planche
Le premier texte est de Westlake et c'est une aventure de Dortmunder. Ce dernier et son complice Kelp acceptent d'aider Querk, employé d'imprimerie, à fabriquer des billets de banque pour un petit pays d'Amérique latine. Pendant la fermeture de l'usine, ils en émettront un certain nombre et devront ensuite se rendre dans ce pays les échanger contre des dollars... mais Kelp et Dordmunder se méfient de l'amie de Querk qui tient une agence de voyage...
Otages
Le deuxième opus est d'Anne Perry. En Irlande du nord la famille d'un pasteur intransigeant se trouve prise en otage par un groupe catholique qui veut faire prendre au pasteur Connel sa retraite pour le remplacer par un modéré. Le pasteur ne veut pas céder même si ces messieurs sont armés et sa famille en danger. C'est Bridget, jusque là épouse soumise et vouée aux rôles subalternes, qui va créer une stratégie de survie...
La princesse Maïs : une histoire d'amour.
De Joyce-Carol Oates, qui a excellé aussi bien dans le roman psychologique que dans le polar.
Passionnée par les psychopathes, elle met ici en scène Jude Trahern, élève de 4eme d'un collège privé. La gamine vit avec sa grand-mère, malmenée par l'âge, incapable de l'élever. Avec deux copines qui se trouvent laides, elle a tenté sans succès de plaire au jeune professeur d'informatique.
Toutes trois échafaudent un plan terrible : kidnapper Marissa une élève de sixième un peu farouche et mal adaptée, qui possède de magnifiques cheveux blonds très clairs, en l'entraînant chez elle, sous le prétexte de lui offrir une bière dans laquelle elles ont mis de la drogue.
« Bandes de cons !
Quoipourquoi mais ses cheveux pardi voilà pourquoi.
Non mais ces cheveux ! Et bon moi comme je les ai vus au soleil ils sont blonds doré pâle comme des soies de maïs le soleil y allumerait presque des étincelles. Et ses yeux qui me souriaient avec comme de la nervosité et de l'espoir l'air de ne pas savoir ( mais qui pourrait savoir ?) quel vœu Jude a fait. Car je suis Jude l'Obscure, je suis la maîtresse des regards. »
Marissa est ensuite enfermée dans la cave ; Jude veut procéder au sacrifice de la fillette pré pubère, semblable à ceux qu'accomplissaient les Iroquois pour demander au dieu de bonnes récoltes de maïs.
L'auteur nous montre des victimes qui s'attaquent à d'autres victimes : Jude Trahern et ses amies ont un physique ingrat, se sentent abandonnées par leurs familles. Leur souffre-douleur, marginale aussi, vit seule avec sa mère, dans un cocon. Toutes sont en échec scolaire.
Le seul avantage de Marissa, aux yeux de Jude, sont ses « magnifiques cheveux » et sa mère qui s'occupe d'elle jusqu'à la couver.
Les adultes pâtissant aussi de la vengeance des fillettes (la mère de Marissa, et le jeune professeur d'informatique) sont également fragiles, et mal intégrés dans la société.
La construction est habile : on entend des monologues en « j e » et en « il », les voix des différents personnages alternant entre elles, semés de rapports de dossiers psychologiques sur la fillette ( dont les résultats se contredisent), de coupures de journaux relatant la disparition et l'enquête, au final une utilisation judicieuse de différents procédés narratifs.
Cette dernière histoire est fort réussie, le portrait de la psychopathe intéressant ainsi que le suspense bien conduit. Voilà une novella qui devrait être éditée à part.
En tous cas j'ai bien l'intention de lire les quatre volumes de « Transgressions »...