Liana Lévi, 2008.( 2007 pour la parution en anglais « The Mao Case ») 315 pages.
Une enquête de l'inspecteur Chen Cao, la première pour moi.
Fin lettré, poète, ce policier pourrait faire penser au surintendant Dalgliesh, qui, dans les romans de PD James lit et compose également des vers (mais sans citer les siens).
Fausse piste ! Car nous sommes en Chine, de nos jours, et le policier poète est mandé par le ministre de la Sécurité Intérieure, Huang, pour enquêter sur Jiao, une jeune fille dont la grand-mère fut une concubine du Grand Timonier. Le train de vie de la jeune fille, autrefois modeste standardiste, s'est subitement amélioré et on la soupçonne de se faire entretenir par un Gros-Sous et de posséder des documents compromettants sur Mao et sa grand-mère.
Travailler pour le Parti ne plaît guère à Chen, mais il ne peut s'y soustraire. Le voilà donc à fréquenter un vieux monsieur Xie, survivant de la Révolution culturelle, qui donne des bals démodés pour les « vieilles lunes » et enseigne la peinture à de jolies jeunes filles, dont Jiao, dans son manoir de Changaï. Chen se fait passer sans mal pour un écrivain.
L'enquête policière est prétexte à nous donner un aperçu des contradictions politiques et culturelles en milieu urbain. Nous vivons une époque où Mao est de nouveau à l'honneur. Ses poèmes, sentences, sa vie privée, son action politique, les exactions qu'il commit, notamment envers les femmes, hantent le livre. Les personnes qu'interroge Chen, vont chacun à leur manière témoigne de cette époque troublée. Anciens gardes rouges repentis ou non, victimes diverses de la Révolution culturelle, nouveaux riches maoïsés, tous livrent des témoignages accablants...l'évocation est complexe, où se télescopent l'histoire de la Chine ancienne, celle de Mao, et le contexte actuel où le fossé entre classes sociales se creuse tous les jours davantage.
C'est un texte riche, réaliste et poétique à la fois, qui recèle une mine d'informations sur certains milieux sociaux actuels en Chine.
Et pour ne rien gâter, on apprend beaucoup sur la cuisine chinoise : l'inspecteur Chen mène ses interrogatoires au restaurant de la simple gargote au restaurant impérial à Pékin, en passant par tous les salons de thé imaginables, les petites bouffes à la maison, les casse-croûte en train. Vous aurez envie de déguster « un œuf de cent ans », une tête de carpe fumée, un poisson vivant des mers du Centre et du Sud au gingembre et ciboule, des tranches de canard frites à l'ail vert...