Actes-sud, 2008. ( The Sorrows Of An American, 2008), 394 pages.
Erik Davidsen psychothérapeute et sa sœur Inga, prof de philo essayiste, viennent d'enterrer leur père Lars, depuis longtemps malade et vident la propriété familiale. Ils trouvent les Mémoires rédigés par le défunt, mais plus surprenant une lettre datée de 1937 ( le défunt avait 15 ans) écrite par une certaine Lisa parlant du décès d'une personne de sexe féminin dont les circonstances doivent rester secrètes. Inga et Eric estiment que leur père a gardé cette lettre pour qu'ils la trouvent et qu'ils se mettent en quête de la mystérieuse Lisa avec qui il partageait un lourd secret.
Nous croyons que cette recherche sera le fil conducteur du roman...
Le lecteur se souvient de « L'invention de la solitude » d'Auster : le fils découvre un secret qui est au cœur de l'intrigue...
Mais dans ce livre, Il n'en est rien !
Plusieurs histoires s'entrelacent entre elles (des tranches de vie racontées ou lues) et ne mènent à rien de particulier.
Erik Davidsen s'éprend de sa locataire Miranda belle jamaïquaine artiste dessinatrice. Mais Miranda vit une relation complexe avec son ex-ami Jeff Lane surnommé le « Stalker », dont les agissements intriguent ceux qui lui sont proches.
Erik lit les Mémoires de son père, sa vie difficile d'émigré norvégien dans une ferme du Minnesota, ses années de guerre, ses relation avec sa nombreuse famille...
Un autre fil déroule l'existence d'Inga, la sœur d'Erik, veuve de Max Blaustein écrivain célèbre, dont le récent décès a traumatisé toue la famille. On évoque ses souvenirs à lui, son agonie, sa maîtresse, le film qu'il mit en scène. Dans cette partie le deuil joue un grand rôle. Inga et sa fille Sonia évoquent souvent les événements du 11 septembre qui les ont frappées car elles vivaient aux alentours du lieu de la catastrophe.
Ajoutons-y les hommes qui gravitent autour d'Inga, une journaliste jalouse, les patients à risque d'Erik, dont Sarah qui s'est suicidée en 1992 et continue de la hanter, la nombreuse famille d'Erik (grand-mères, arrières grand-père, cousins, oncles, voisins, amis du défunt) la famille de Miranda .
Le très grand nombre de personnages (j'en ai dénombré une bonne soixantaine) convoqués dans la mémoire d'Eric, celle de son père, et dans sa vie, rendent la lecture difficile : On ne les assimile pas tous.
Qui sont Rachild Lund et l'oncle Fredrik qui débarquent au cours d'une page? Yvar était-il le grand-père ou l'arrière-grand père d'Eric ? Et Olaf ?
Qui Diable est ce Joel ? Ah oui le fils naturel de Max conçu avec une actrice !... Les personnages du film qui a tant compté pour Max, jouent un rôle secondaire mais reviennent à plusieurs reprises, et se télescopent avec les acteurs ! On ne reconnaît pas le titre du film que l'on confond avec un lieu, là-bas dans le Minnesota, cette brasserie où le père d'Erik travaillait, où Lisa vint le voir ... on s'affole lorsque survient « Rosalie » qui a une piste pour retrouver Lisa. Qui donc est Rosalie ? Une cousine, oui, mais quand et comment a-t-elle fait son entrée dans le récit...
J'ai eu l'impression d'avoir un Alzheimer naissant...
Plus de soixante personnages qui se partagent 395 pages... c'est trop pour moi ! La plupart sont récurrents, mais ont fait l'objet d'une présentation très rapide, et lorsque je les croise à nouveau, je ne les remets pas.
Donc plusieurs fils qui ne conduisent à rien de concluant ni de précis. C'est la vie qui va et qui vient...certaines thématiques sont développées avec succès : celle de l'être défunt ou disparu, devenu fantôme, du deuil impossible ...
Le secret de Lars et Lisa se révèle moins important que prévu, et même les héros sont déçus : en quoi cette histoire donnerait-elle des clefs pour comprendre mieux leur père ? Pourtant les pages qui concernent cette dame sont d'une belle force dramatique.
Ce roman ne manque pas d'intensité mais nous n'avons pas de dénouements, de « chutes » des différentes intrigues. Après tout, le titre est « Elégie », cette donnée n'annonce pas d'intrigues fortes.
Il y a un certain nombre de pages intéressantes noyées dans un océan de détails.
Les rêves des différents protagonistes, l'histoire de Miranda de sa fille et de son ex-ami méritait un traitement particulier et eût dû faire l'objet d'un autre roman (court) car elle ne s'intègre pas correctement avec cette histoire familiale complexe. Le docteur Davidsen essaie d'avoir une vie personnelle, ça on le comprend, envahi qu'il est par les problèmes familiaux remontant jusqu'à la énième génération !! Mais il aurait pu rester simple narrateur pour simplifier le récit.
On peut penser que Hustvedt s'est mise en scène elle-même dans le personnage d'Inga et qu'Auster « est » Max Blaustein. Bien que la différence d'âge soit plus importante : Inga épouse un homme qui pourrait être son père. Huit ans seulement séparent Auster et Hustvedt.
Sophie Auster a aussi plus ou moins a servi de modèle pour « Sonia » l'adolescente révoltée qui » ne veut pas vivre dans ce monde-là ».
Bref des défauts de structure, ou des choix volontaires, qui rendent ennuyeuse la lecture de ce roman pourtant intéressant et ambitieux.