Orlando
Virginia Woolf LP-Biblio
Première date de parution en 1928.
« Cette biographie que je vais m’amuser à esquisser rapidement pendant une semaine… »écrit Virginia Woolf, le 5 octobre 1927 dans son
« Journal »à propos d’Orlando.
L’œuvre en question fut publiée un an après. Ce récit dont elle comptait faire un divertissement de plume était devenu un chant d’amour à son amie Vita Sackville-West « belle, brillante et inconstante aristocrate » qui lui plaisait jusqu’à la fascination.
Dans son Journal, elle précise « Une biographie qui commence en 1500 et se poursuivra jusqu’à notre époque, intitulée « Orlando : Vita » ; mais avec un changement en cours de route ».
En 1927, Virginia vient de publier « To The Lighthouse »,(dont le sujet est la mère, en particulier la sienne) et deux ans plus tard, sortira « Une Chambre à soi »( Consacré aux problèmes de la condition féminine). Orlando s’inscrit entre les deux, et se situe à la hauteur de ces grands romans même si ce ne devait être qu’une escapade ou une fantaisie.
L’histoire : Orlando a seize ans en 1500, c’est un aristocrate, favori de la reine Elizabeth. Sous le règne de Jacques Stuart, son successeur, se produit le Grand Gel. La Tamise est prise dans les glaces, un immense carnaval est donné. Orlando y rencontre Sacha, fille de l’ambassadeur de Moscou. Ils vivent une grande passion jusqu’à la fonte des eaux qui autorise les navires à lever l’ancre et à repartie vers leur pays natal. Sacha part sans remords et Orlando se sent trahi. » Les eaux tourbillonnantes s’emparèrent des mots que je hurlais et rejetèrent à mes genoux mouillés un pot brisé et un petit fétu de paille ».
Cet épisode est transposé et autobiographique : c’est Virginia qui, en l’occurrence est représentée par Orlando et Vita par Sacha.
Deux siècles plus tard, Orlando est toujours en deuil de sa passion. Le roi Charles lui offre le poste d’ambassadeur à Constantinople (Vita elle-même y avait vécu avec son ambassadeur d’époux). Un soulèvement met la ville à feu et à sang. Orlando, lui s’endort d’un sommeil comateux, une longue léthargie dans une chambre à l’écart, protégée des conflits. Il se réveille transformé en femme ; et cette mutation, dénouement de son chagrin, il la reçoit sans surprise, sans peine et sans souffrance.
« A tous égards, vous demeurez le même […] le changement de sexe, bien qu’il change l’avenir, ne change en rien l’identité »
Lady Orlando rentre en Angleterre : elle prends la mesure des différences de conduites envers elle-même et de celles que les mœurs de la société lui enjoignent d’observer. Une société qui s’étend sur plusieurs siècles et qu’elle traverse du haut de sa position d’aristocrate lettrée, observant les mœurs avec un détachement amusé et ironique, qui n’empêche pas les réflexions amères sur la condition féminine à laquelle elle ne se plie pas sans mal.
Nous voilà rendus à l’aube du vingtième siècle, Orlando est mariée à un navigateur qu’elle voit à intervalles lointains (« Il passe son temps à doubler le cap Horn »). Elle joue le rôle de l’épouse qui attend, adossée à un chêne, qui dès le début de l’histoire est son principal confident, évoquant « toute la variété de moi » qu’elle a vécu à travers les siècles.
Le roman s’achève sur cette phrase : « Mais je suis seule ».
Traversé de périodes de gaieté et de tristesse qui se métamorphosent rapidement, le récit s’achève sur la mélancolie.
Dans sa vie, Virginia fut atteinte de dépression au terme d’Orlando.
Orlando ne ressemble à rien de ce que Virginia a écrit auparavant.
C’est un roman
fantastique (dans le sens de « merveilleux ») proche du conte (éternelle jeunesse du héro/ïne, transformation magique) qui épouse au fil des siècles que traverse Orlando beaucoup de
formes de récits ( picaresque, amoureux, intimiste, comique, psychologique, social…).
Cet hommage à l’amie (même trompeuse) est infiniment plus juste et attrayant que l’hommage à la mère (« To The Lighthouse" la Promenade au phare ).
La photo représente Isabelle Huppert dans le rôle; Orlando a fait l'objet d'une mise en scène théâtrale remarquée.