Folio, 2008.440 pages.Titre et parution d'origine" Never Let Me Go", 2005.
C'est l'article de Rose qui m'a donné envie de lire ce roman et je ne le regrette pas!
A l'âge de trente ans, Kath, qui est à un tournant crucial de son existence, réfléchit sur son jeune passé. Elle a été élevée au pensionnat de Hailsham, jusqu'à 18 ans environ, qu'elle a quitté pour devenir « accompagnante »auprès de « donneurs », fonctions qui nous semblent énigmatiques au premier abord, mais ne tarderont pas à s'éclairer, même si la narratrice s'adresse à des lecteurs qui ont vécu à peu près comme elle, et connaîtront le même destin :
« Je ne sais pas quelle était la règle là où vous étiez, mais à Hailsham nous étions tenus de passer un genre de visite médicale presque toutes les semaines... sous l'égide de la sévère infirmière Trisha, ou tête de Corbeau, comme on l'appelait... »
Hailsham paraît être un de ces internats anglais où sont éduqués des enfants de la bonne bourgeoisie, d'autant que Kath insiste sur le fait qu'elle et ses acolytes ont été des privilégiés. Sports, études, promenades, encouragement à la créativité, organisation de journées d'Echanges où les enfants exposent et vendent aux autres leurs travaux personnels et sont payés en « jetons ».
Les élèves vivaient en huis-clos, protégés et instruits par des « gardiens » (cela vous a un air platonicien) communiquant avec le monde grâce à un camion venu de l'extérieur, qui leur permet d'acquérir des objets personnels.
On murmure parmi les élèves que les plus beaux objets sont choisis par une certaine « Madame » qui vient en choisir de temps à autre pour sa « Galerie ».
Mais Tommy, le meilleur ami de Kath ne joue pas le jeu. Il ne créé rien, et pique des colères folles. Il ne sait pas pourquoi.
Mus par la curiosité, Kath et Ruth, son amie intime vont chercher à rencontrer cette Madame.
Cette expérience les consterne :
Elle ne cria pas et ne laissa même pas échapper un souffle. Mais nous étions tous concentrés pour capter sa réaction, ce qui explique sans doute l'effet qu'elle produisit sur nous. Lorsqu'elle se pétrifia sur place, je jetai un bref coup d'œil à son visage
aujourd'hui encore je vois son expression, le frisson qu'elle semblait réprimer, la réelle terreur d'être frôlée accidentellement par l'une d'entre nous »
Kath et ses amis savent qu'ils sont différents des gardiens et des gens du dehors, on leur a dit en quoi, mais ils n'en ont pas pris la mesure.
Rien ne sera plus comme avant :
« la première fois que vous vous apercevez à travers les yeux d'une personne comme celle-là, c'est un instant terrifiant. C'est comme vous entrevoir dans un miroir devant lequel vous passez chaque jour de votre vie, et soudain il vous renvoie autre chose, une image troublante et étrange »
La narratrice et ses amis vont progresser en interprétant de petits détails de leur vie. Elle nous laisse découvrir l'absurdité, puis l'indigence réelle de leur situation, comme eux-mêmes ont pris conscience...
Le roman est passionnant de bout en bout. Et cependant, il me déçoit : j'attendais de Kathe et ses amis une rébellion, une révolte, même désespérée, un suicide peut-être, pour témoigner de leur noblesse d'êtres humains, comme on peut en constater dans des livres tels que « le Meilleur des mondes » ou « 1984 », romans auxquels, en dépit de différences de style et de structure, ce livre s'apparente.
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