Devant la pièce d'eau jaune et verte qui reflète le feuillage des conifères et les rayons du soleil, on entend les cris des oiseaux qui s'envolent brusquement effrayés. Des canards gris filent le long de l'eau. Nelly s'est perdue dans les allées ombragées de grands arbres .le temps est très clément pour la saison. Elle a dépassé le restaurant : goûter pour huit francs.
Melchior est à l'école. Nelly remâche sa déception à la réponse de l'institutrice quand au comportement de Melk : « Il suit le mouvement ».
Vivement contrariée, elle entend ce « il-suit-le-mouvement », qui ne laisse rien présager de bon. Un élément de troupeau vaguement consentant,
qui ne se distingue pas. Mais il ne regimbe pas pour aller en classe, même si les commentaires qu'il fait de ses journées sont laconiques. l'école. Souvent, elle se dit qu'il doit
être persécuté et le tait. L'orgueil, à trois ans, ça existe
Mathieu avait travaillé autrefois, dans une imprimerie, non loin d'ici où on embauchait assez souvent les étudiants. Il devait détester le job, quitté au bout de six mois : ce Parc il devait s'y rendre pour oublier et en avait gardé un bon souvenir.
A petits pas, elle descend la grande étendue d'herbe en pente douce, s' assoit sur un banc, observe les tilleuls devant le lac, aperçoit là-haut, une forme habillée en bleu mouchetée de gris qui court sur le pont métallique.
Mathieu lui a demandé de venir là, devant le lac, juste au moment de l'ouverture en somme.
Il est en retard, bizarre ! Un homme aussi anxieux que lui est toujours ponctuel, se met même en avance. « Il est capable de se perdre dans un endroit qu'il connaît. »
disait Guillaume. Non. Le voilà.
Mais ... il y a sûrement un malentendu. Il se montre très entreprenant. A peine un bonjour, il l'enlace et il lui ferme la bouche qu'elle ouvrait pour protester, ou plutôt y insère tout ce qu'il a à dire sans mots mais non sans ferveur. Un baiser long, ardent, précipité. Il la prend dans ses bras, se dévergonde toujours plus et tout en lui mangeant à nouveau les lèvres, une main descend dans son soutien-gorge. Attention, ne le repousse pas violemment, Mathieu, il est tellement sensible, un rien le ferait sauter par-dessus un pont suspendu. Elle a toujours cru cela même si Guillaume disait « Mathieu ne tuerait personne même pas lui ». Et il profite de son hésitation, de son embarras, pour lui caresser les seins, veut dégrafer le soutien-gorge, tire dessus, on ne se gêne pas.
On va nous voir, réussit-elle à souffler. Se conduire comme un voyou maintenant qu'il a vingt-cinq ans ! Justement, dit-il c'est mon anniversaire. Il ne craint plus rien : ni de lui faire sentir son souffle précipité, ni son sexe durci. Elle éprouve un vif plaisir qu'elle tait. Et si un gardien survenait ou un promeneur matinal, alors qu'on en est à fouiner de plus en plus bas ? Mathieu ne lui répond plus, la met à l'aise dans le vent frais, la couche sur le banc. Ils prennent même un tout petit peu leur temps comme on peut le faire dans un jardin public à l'ouverture, malgré la rosée matinale qu'on ne sent plus..
Un quart d'heure plus tard, ils se reposent exténués sur le banc. Le temps d'un sein nu entre deux chemises.
Essoufflés et quelque peu titubants, ils avancent jusqu'à une cascatelle qui forme un rideau devant une grotte. Entre des rochers noirs, une mare d'eau une fraîcheur très sombre accueille les amants d'un quart d'heure.
Enfin, se dit Nelly, j'aurais peut-être mon mot à dire à présent. Et Mathieu qui demande, sérieux.
-Est-ce que ça t'a plu?
je ne t'aurais pas laissé faire si ça ne me plaisait pas... comme sur un banc par une matinée d'hiver très douce. Comme le printemps. Mais Je suis venue...
-Oui, je sais. Pour parler de Guillaume. Comme d'habitude.