Titre original » A Traitor To Memory »
Presses de la cité, 2001 ; 620 pages.
Au moment d'attaquer sa partie, dans le trio « l'Archiduc », Gideon Davies, violoniste estimé, est frappé d'amnésie et doit quitter la scène.
Un mois plus tard, il commence une thérapie avec Mrs Rose, qui lui recommande de tenir un journal pour explorer son passé. Soue sa plume, des silhouettes se raniment : Eugénie sa mère qui a quitté le domicile conjugal avant qu'il n'ait dix ans ; Sonia une petite sœur morte en bas âge... Un soir Eugénie Davies est retrouvée morte dans une rue à Hampstead . James Pitchley qui revenait d'un rendez-vous galant a découvert la victime, écrasée par une voiture. James est souçonné. Le meurtre d'Eugénie rappelle à certains policiers de Hampstead un procès qui eut lieu vingt ans plus tôt en vue d'éclaircir les circonstances de la mort de la petite Sonia.
Suspense : « ne pas miser sur le suspect favori mais sur les outsiders » conseillait Agatha Christie. Ici, le lecteur en sait plus que les enquêteurs, et le suspect favori n'est pas le même pour lui que pour eux, les « outsiders » non plus. Elizabeth George les multiplie pour noyer le lecteur sous une avalanche d'histoires, de destinées complexes, de mobiles divers.
Narrations : plusieurs récits contés à la troisième personne, présentent une dizaine de personnages qui énoncent chacun leurs vérités, leurs mensonges, leurs errements. Ces récits alternés rendent la lecture agréable, diversifiée, malgré les 620 pages de texte. Les récits de trois enquêteurs( dont on suit l'évolution de la vie privée) de 7 ou 8 personnages secondaires, suspects, ou liés à des suspects, les récits des victimes juste avant leurs accidents, et ce plat de résistance qu'est le journal de Gideon, sans compter son vécu au jour le jour . Lorsqu'elle présente le « journal »d'un suspect comme récit central, Elizabeth George réussit bien ses romans : je me rappelle « Playing For Ashes » qui repose en partie sur le journal d'une certaine Olivia, personnage qui intéresse tout de suite, comme Gideon...
Et pourtant je déplore, (c'est totalement subjectif), que l'arrière plan social bienvenu, ne débouche sur une morale rigide :
Dans ce récit tous les coupables sont sévèrement punis même pour des péchés véniels. L'inspecteur qui s'est aventuré dans l'adultère fait partie des victimes sans que son élimination ne serve l'action en rien. James Pitchley qui a quitté sa cité ouvrière pour se faire une place dans la bourgeoisie est l'objet d'un chantage de la part de ses frères. Il fréquente des femmes légères ? Cela lui vaudra des ennuis à n'en plus finir avec la police. Les auteurs de faux témoignages en prennent pour vingt ans... La femme qui a quitté sa famille abandonnant son enfant en mauvaise posture, le paie de sa vie. Le meurtrier prêt à s'amender est condamné à répéter son forfait... ! Le violon lui-même(ne dit-on pas que c'est l'instrument du Diable ?) finit ses jours en miettes, comme la pauvre Eugénie. La psychanalyste est punie d'avoir lancé son patient dans l'exploration du passé, la manœuvre se révèlant catastrophique... la jeune fille qui s'est rendue coupable de vandalisme, en perd la vie ! Le monde est à ce point impitoyable, que Thomas Lynley, notre inspecteur chéri, tremble que les menus écarts de conduite de son propre passé ne rejaillissent sur sa vie actuelle. Pour avoir lu « Sans l'ombre d'un témoin », je sais qu'il a raison de s'inquiéter !
Bien des faits cruels et s'il ‘on y regarde de près totalement gratuits, ne servant pas la logique de l'histoire,et laissent à penser que l'auteur cherche à régler des comptes personnels : avec la musique ? Avec un frère jalousé ? Avec ses compatriotes ? le personnage de Libby, est une caricature grossière de la jeune américaine d'aujourd'hui...
La fin je l'ai trouvée terriblement pessimiste.