Dans la série "les découvertes de Noël ".
Je ne l'avais jamais vu, du moins n'en avais-je pas gardé de souvenir.
Ferdinand est dans son bain. Il lit une biographie de Vélasquez. Sa petite fille vient l'écouter (Dans le Mépris Paul (Michel Piccoli) lit aussi dans le bain et récite des passages à Camille avant la scène de ménage (bien mieux réussie d'ailleurs)... ici sa femme est italienne, ils se crêpent le chignon parce que Ferdinand ne veut pas aller à une soirée mondaine.
Ils s'y rendent tout de même. Les invités récitent des slogans à propos de sous-vêtements féminins à la mode de l'époque, éclairés par des lumières tamisées bleu, vert et rouge.
On suppose qu'il y aura un genre de partouze mais à l'époque, on ne montre pas de couples en train de forniquer. La vue d'une femme aux seins nus n'est plus de nature à choquer...
L'un des invités ( le cinéaste Samuel Fuller ) donne une définition « politique » du cinéma. « C'est des batailles, de la violence, de l'action ».
Une façon de prévenir Ferdinand de ce qui l'attend ?
Il rentre chez lui, et avise Marianne, la baby-sitter, endormie sur une BD des Pieds Nickelés, propose de la ramener chez elle. Dans l'auto, il lui demande quelque chose à propos de ses copains Frank et l'Américain... elle reste évasive. On comprend qu'ils se connaissent déjà et que Ferdinand n'apprécie pas ses fréquentations.
Des lumières de phare et de néons divers, viennent marbrer leurs visages, tout le temps de la conversation, les mêmes couleurs violentes que celles de la soirée de laquelle Ferdinand s'est sauvé.
Marianne et Ferdinand se disent réciproquement qu'ils ont du désir l'un pour l'autre, par jeu, d'une voix de récitation.
Chez Marianne, les pièces sont nues, des armes à feu sont adossées à un mur, une grande terrasse donne sur les toits de Paris. Cet appartement devrait être très cossu, vu sa situation, mais il semble en désordre et à peine habité. Le couple passe la nuit ensemble continue le jeu de se faire des déclarations d'amour d'une voix impassible.
Le matin, des hommes font irruption chez elle, Ferdinand en tue un. Ils se sauvent, une course-poursuite s'engage, à une station -service, ils assomment un pompiste, on voit que c'est une caricature de polar, car Marianne envoie le pompiste à terre d'une pichenette. Elle explique la situation en parlant de Fred, son frère, qui fait du trafic d'armes en Afrique. Ils auront encore affaire à lui, prévient-elle, car elle a trempé dans ses magouilles...
Ferdinand qu'elle appelle à présent Pierrot, fonce dans un champ et met le feu à la voiture. Ils en changent autant que possible comme tous les fuyards qui se respectent ; Marianne change aussi souvent de toilette : les robes d'été se succèdent dans les tons rouge-vif et orangé, simples et sans manche ou avec de petites dentelles. Il faut reconnaître qu'elle est belle !
La photo est superbe pour la femme et les paysages.
Le couple va vers le sud de la France. En chemin, ils se disent des bêtises et des mots d'amour. A une terrasse, ils rencontrent des travailleurs immigrés, deux hommes et une femme, d'âge et de nationalités divers et chacun raconte son histoire.
Tout au long du trajet, on entend les voix de Pierrot et Marianne dire chacun ce que fait l'autre, à la troisième personne du singulier et en voix off : ils commentent leurs actes et leurs gestes; les voix se répondent et se coupent, les phrases ne se terminent pas. Un rythme naît.
Arrivés dans le sud, ils s'installent sur une île. Pierrot écrit son journal, et joue à Robinson. Il adopte un perroquet et un fennec. Marianne commence à
s'ennuyer, elle marche vite, le long de l'eau, fredonnant comme le font les petites filles « je m'ennuie je ne sais pas quoi faire ». Réclame de l'action à Pierrot, du polar et non des
robinsonnades. Le couple se fâche. Célèbre réplique de Pierrot : » Mes mots sont des idées, toi tu n'as que des sentiments » (c'était avant le MLF auquel Godard n'a rien
cédé.
Dans le Mépris, Paul était aussi l'intellectuel...
L'action policière reprend, incompréhensible à mes yeux. Des types les poursuivent, il y aura encore des morts, qui semblent être couverts de sauce tomate, plutôt que de sang. Notamment, un quasi-nain qui, selon Pierrot aura eu « une grande mort ». Pierrot se fait kidnapper, on lui met un chiffon rouge sur la tête, on veut lui faire avouer où est Marianne. On apprend qu'elle est mariée...
Cependant Pierrot et Marianne auront encore quelques bons moments, ils dansent ensemble et interprètent une chanson « Ma ligne de chance, ta ligne de hanche » qui donne l'impression d'une comédie musicale bien enlevée. Ils se jouent des saynètes. Pierrot fait le grand chef de navire, Marianne se déguise en vietnamienne. Le film se fait théâtral, voire burlesque et cette impression va durer jusqu'à la fin.
Pierrot va au cinéma et s'endort devant les Actualités un reportage éprouvant sur la guerre au Vietnam. Ce reportage noir et blanc fait « vrai » et renvoie le film dans une sorte d'artificialité.
Finalement Pierrot et Marianne se séparent. Elle part en bateau avec ce Fred qu'on croyait être son frère... ! Pierrot les poursuit et les abat.
Sur le port de Toulon, il rencontre Raymond Devos qui lui joue un sketch sur le couple (je n'ai pas vraiment saisi...).
Pierrot se peint le visage en bleu et s'entoure de dynamite, se fait sauter en se disant « pourquoi faire ça je suis con »
On entend sa voix d'outre-tombe et celle de Marianne se répéter du Rimbaud :
« Elles est retrouvée
-Quoi ?
-L'Eternité. C'est la mer allée avec le soleil ».
C'est une fin très romantique ; malgré l'annonce qu'il y aura « de la violence, de l'action, des batailles », c'est l'histoire d'amour, malheureuse, qui domine le film et le côté policier auquel je n'ai pas compris grand-chose.
En 1965, Godard est un jeune cinéaste de 35 ans à peine. Et ce film correspond bien à ce que j'appellerai une œuvre de jeunesse. Bizarrement, il était encore plus jeune que cela, lorsqu'il réalisa des œuvres plus sérieuses, bien plus politiques, telles que « Le Mépris » ou « Vivre sa vie »...