Entre toutes les pointes dont le livre est émaillé, la meilleure semble être :
« J’ai soutenu Mitterrand comme la corde soutient le pendu ».
« Si la gauche savait… : entretiens avec Georges-Marc Benamou » Robert Laffont, octobre 2005.
Ce livre a l’avantage de présenter Michel Rocard, sous forme de réponses à des questions ce qui, pour le lecteur rend le contenu plus vivant, surtout s’il n’est pas vraiment accoutumé à lire des livres sur la politique. Rocard a le don de la formule brillante, et ce n’est pas déplaisant, même si on ne sait trop quoi penser de certaines de ses déclarations.
On suit sa formation,, son entrée en politique quand il a formé un petit parti à Science po encore étudiant, on fait connaissance avec son éthique héritée du protestantisme, ( le défaut ou la qualité dominante étant l’individualisme), ce qui, de ses problèmes personnels a compté dans son parcours. « C’est un miracle que je sois devenu hétérosexuel » estime Rocard, et des miracles, il n’y en aura pas d’autres. Son parcours politique est hérissé de difficultés et d’obstacles.
On accompagne l’histoire du PSU depuis sa création en 1960 « une drôle de maison où se retrouvent tous les dissidents de gauche, les meilleurs, et de toute obédience … des communistes authentiques qui l’ont voulu moral et anticolonialiste, de vrais sociaux-démocrates, des cathos en voie de laïcisation, quelques trotskystes… le PSU est bordélique et riche de toutes les diversités de la gauche française »
De ce bordel, MR devra s’extirper pour en intégrer un autre le PS, une manière de tomber de Charybde en Scylla :
« le PS est un petit parti qui tout au long de son histoire va se limiter à rassembler quiconque a envie d’être conseiller municipal ou plus, et quelques curieux ».
Comment Rocard a vécu les différents problèmes des années 60 et 70, l’Algérie (il était contre l’insoumission et s’en explique), le gaullisme, Mai 68, comment il a supporté la gauche « cette bande d’archaïques sclérosés », dans laquelle il a dû naviguer à contre-courant, parce qu’il n’aurait rien pu faire en politique s’il s’isolait.
L’électron libre : une expression que Rocard utilise à l’envi, voulant être et paraître aux yeux des lecteurs comme ce citoyen-et-homme politique qui traverse les groupes, les organisations, les partis, sans s’y inféoder, résistant aux compromis intolérables, et se faisant virer chaque fois qu’il dérange trop.
Mais vous avez trop souvent joué perso, rétorque GM Bénamou.
Rocard argumente : il était isolé à cause de ses différences, on en a profité pour le getthoïsér lui et son groupe, devenus « les parias de la deuxième gauche », et comme si cela ne suffisait pas, Mitterrand lui envoie Fabius « le chef des tueurs… venu pour m’assassiner ».
Rocard se fait interroger sur son « parler vrai » qui a fait l’objet déjà d’un livre entier ( « Le parler-vrai : l’effet Rocard » de Hamon et Rothman, 1988).
Pour moi, le « parler vrai » renvoie à la formule d’Aragon, défendant la bonne fiction comme « un mentir vrai ». Et je ne vois pas très bien le rapport.
Le livre reflète avant tout les compromis et contradictions que l’homme politique doit assumer pour se faire connaître et avoir une chance d’accéder à un poste où il puisse enfin agir: sauf que, arrivé là, il se trouve encore empêché : « Mitterrand me disait de faire des choses qui se voient… je préférais être efficace »
Le problème selon Rocard c’est que les hommes politiques « méprisent les rudes contraintes de l’art de produire et de distribuer que par convention on appelle l’économie ». En 1981, l’équipe qui arrive au pouvoir « ignore même ce qu’est une balance des paiements ».
Il pense aussi que les nationalisations sont une idée sociale-démocrate, pas une conception communiste.
Difficile de trancher. Si quelqu’un a lu le livre, qu’il m’éclaire.
Michel Rocars reste à mes yeux un homme politique assez original, intelligent, pas trop "politicien", et le seul homme politique, à ma
connaissance,qui se soit fait psychanalyser du moins, d'après ce qu'il a pu en dire, cela ressemblait d'assez près à ce que j'appelle une analyse...