Mike Leigh a tourné vingt six films : j'ai vu déjà Secrets et mensonges. J'en ai peu de souvenirs. Pourtant, il m'avait intéressée.
On appelle familièrement Mike Leigh « The Kitchen and Sink film maker ». L'utilisation de procédés documentaires pour servir la fiction est ici la règle. Et pur lui, cela signifie Montrer des objets et des situations usuels. Faire entendre des dialogues peu ou pas écrits à l'avance par des comédiens qui ne principe ne se connaissent pas avant de répéter. Utiliser DES couleurs passe-partout, souvent monochromes ( ici c'est la cas). Donner l'impression que les gens sont laids et mal bâtis (partant du principe qu'on les magnifie toujours au cinéma...)
Enfin montrer les classes laborieuses, leurs vies.
A la fin de l'année 1950, Vera Drake (ce patronyme signifie dragon, c'est voulu, ou c'était le vrai nom de cette femme qui a réellement existé ?) est ouvrière. Elle travaille à fabriquer des ampoules électriques. C'est aussi une femme généreuse qui visite sa vieille mère grabataire, toutes les personnes en détresse qu'elle connaît, et fait en complément des ménages dans une maison bourgeoise où l'atmosphère est froide, glaciale, aseptisée, avant de rentrer chez elle dans son petit logis chaleureux, aux teints marron (rouge brun avec une lumière naturelle et intimiste). Son mari est garagiste ils ont deux enfants adultes. Sa fille Ethel est quelque peu handicapée mentale. On lui a trouvé un prétendant un peu lent d'esprit lui aussi, et ils hésitent à se faire des déclarations d'amour. Voyant ces tourtereaux défavorisés et le manège empressé de Vera pour retenir le prétendant, mon conjoint me souffle « tiens ! On dirait ta mère, elle veut marier sa fille, elle aussi ! ». J'ai adoré la comparaison.
Ethel est difficile à caser et ne peut travailler.
Nous avons là une accumulation de clichés sur la classe ouvrière qui peuvent gêner...
Vera Drake a connaissance par son amie Lily de jeunes filles dans le pétrin, et passe régulièrement chez elle pour les aider à avorter. Toujours les mêmes paroles, toujours les mêmes gestes. Elle n'utilise que du matériel sobre et réputé peu efficace : eau savonneuse, poire à lavement... ni sonde, ni aiguille à crocheter. Elle ne revient jamais voir les jeunes filles qu'elle a ainsi « purgées ». Elle ignore si ses interventions ont réussi, je pense que non la plupart de temps, mais elle n'en sait rien. Si Vera tente d'aider ces jeunes filles, c'est que sa mère elle-même aurait bien préféré ne pas l'avoir. Et que, peut-être elle-même s'est aussi fait avorter. La loi, on le sait interdit ces pratiques, qui ne seront permises en Grande Bretagne qu'en 1967. En parallèle, nous voyons une jeune fille de la maison bourgeoise où elle travaille être enceinte, et se faire délivrer un certificat de permis d'avorter par un médecin psychiatre grassement payé pour la déclarer psychiquement mal en point.
Un jour une des « patientes » de Vera se retrouve à l'hôpital avec une sérieuse infection. Vera est appréhendée car la jeune fille a été son contact le plus marquant. Son amie Lily , qui se fait payer pour l'envoyer faire ce travail ( ce que Vera ignore), restera impunie.
Vera est unanimement réprouvée par sa famille, et surtout par son fils aîné, mais le futur beau-fils soi-disant demeuré prendra sa défense. « Heureux les simples d'esprit ? » faut-il entendre ?
En prison Vera retrouve d'autres avorteuses. Elle ne reconnaît pas si facilement avoir transgressé la loi. Elle persiste à dire, voire à penser qu'elle ne faisait qu' »aider ».
Malgré les clichés qui m'agacent je vois une dénonciation de l'hypocrisie, du moralisme prêché par ceux qui veulent profiter de la situation et c'est toujours une bonne chose...