Laura Grimaldi « La Faute ». Métailié, 2003.
Titre original « La Colpa » 1989. I
ici, pas de manichéisme.
Troisième roman traduit de l’auteur, après « La Peur » où l’on assistait à la désagrégation d’une famille bourgeoise milanaise terrorisée par la figure d’un tyran domestique du père. Dans cet autre roman, un jeune homme séquestré dans une pièce du sous-sol et dont feignait d’avoir oublié l’existence, servait de bouc émissaire.
255 pages et trente chapitres que précède le prologue « Les Faits » qui narre avec une froide précision la découverte du cadavre de Corinna Lotus Martini assassinée d’un coup sur la nuque asséné à l’aide d’un objet contondant, les voies de faits infligées au corps : une bouteille de champagne enfoncée dans le vagin, le clitoris (très développé, semblable à un petit pénis) sectionné et placé entre les dents de la victime, sans compter que Corinna a été crucifiée sur le parquet de sa chambre avec de gros clous.
La victime une femme mature exerçait un pouvoir de domination sexuel avec son corps adolescent, longs cheveux noirs, absence de poils, particularité clitoridienne. On arrête Alfiero Falliverni, professeur d’histoire à l’université de Milan, amant de la victime, qui l’avait vu peu de temps avant le meurtre, précisément pour boire cette bouteille de champagne devenu instrument de crime.
La suite conte en alternance le devenir d’Alfiero incarcéré à la troisième personne du singulier (Alfiero est quelqu’un qui prend ses distances), et celui d’Aleardo son frère, à la première personne (c’est quelqu’un de dynamique) pendant l’année qui suit ces événements. Accusé du crime, Alfiero a tout perdu même sa mère de qui il était le préféré ne vient pas le voir, ne lui écrit pas. Aleardo, avec qui il avait peu de contact, et des relations conflictuelles depuis l’enfance, répond à sa demande d’aide. Pour ce faire, il devra s’éloigner de sa femme, prendre contact avec une jeune délinquante pour apprendre les us et coutumes des comportements des parents de prisonniers, ainsi qu’avec Maria-Anna, amie de Corrina, jeune femme infantilisée par un enfance difficile, qu’il fréquente pour faire son enquête.
Aleardo est artiste verrier, il reproduit des tableaux sur vitrail, c’est un bon vitrier, un artiste (par rapport au « mauvais vitrier » de Baudelaire, référence implicite) et Alfiero un intellectuel à l’esprit analytique. Il survit correctement au régime carcéral, et résiste à toute provocation aux aveux.
C’est avec intérêt que l’on pénètre dans cet univers carcéral, différent de ce que l’on croit, pas plus effrayant. Alfiero est tenu pour un cas particulier, par les autres détenus qui ne le persécutent pas. A l’opposé, les avocats, procureurs… font tout ce qu’il peuvent mais ne l’atteignent pas.
La relation sado-masochiste existant entre Alfiero et Corrina, se reproduit entre Anna-Maria et Aleardo. Mais celui-ci apprend que les deux femmes avaient une relation particulière, et que Corrina était atteinte du syndrome de Morris (il s’agit d’une erreur dans la formation du fœtus masculin ; lors de la sexuation le chromosome Y reste inefficace, et l’enfant qui naît n’a pas d’organes reproducteurs et ses organes sexuels sont normaux parfois atrophiés souvent : en tous cas, l’individu ainsi affecté ressemble toute sa vie à un androgyne). Corrina n’était ni une femme ni un homme. Elle savait tirer parti de ses particularités anatomiques pour se « venger » des hommes, se sentant exclue de leur communauté. « La faute » est aux hommes et à ceux qui veulent s’y coller. Dont Alfiero. Anna-Maria à qui Corrina a servi de mère et d’amante luiavait aussi enseigné la façon de s’y prendre avec les hommes, ce qu’il fallait penser d’eux
« persuadée que la relation idéale ne pouvait s’atteiendre qu’à travers plusieurs relations partielles… le besoin de tendresse et de protection pouvait être satisfait dans une relation avec une personne capable d’offrir les deux, mais pas toujours en mesure de donner autre chose. En revanche quid du besoin d’un défi intellectuel ? Où du besoin perpétuel de stimulation érotiques ? Selon Corrina plusieurs personnes peuvent apporter tout cela, chacune dans son domaine particulier… »
L’intérêt du roman est l’approfondissement des relations entre les deux frères, d’abord ennemis, et les changements psychologiques et moraux qu’opère chez Alfiero la condition pénitentiaire. Sa vie en prison, les relations qu’il a avec de vrais criminels, ses méthodes de survie. On assiste à une sévère critique de la justice et des méthodes d’intimidation.