A la FNAC rayon sociologie, question de société psycho et développement personnel :
les titres sautent aux yeux avec violence comme des couleurs criardes, comme des chiens excités qui défendent leur bout de page avec d’épouvantables aboiements :
Des drames « Jamais plus sans… ma fille, mon chien, mes vitamines… »
« Génération 69 : ils ne vous disent plus merci » ;
« Ils ne travaillent plus, ils ne bougent plus … mais ils changent le
monde » ;
Victime du pouvoir du Devoir, du Divan, des Média, du Tabac, des Ancêtres, … Réagissez !
Il faut sauver la planète !
Comment peut-on être ministre ?… (C’est Luc Ferry qui se le demande)
Démissionne mon vieux, on ne va pas te regretter...
Pourquoi mon Dieu ? (L’abbé Pierre s’interroge)
L’Empire du mal ? Les USA ? Tragicomique Amérique ;
Faut-il avoir peur de…
Ne plus permettre l’accouchement sous X
Et jappements sulfureux : Rencontre sous X.
Heureusement que l’on peut :
Guérir de… Sans passer par…C’est facile… Simple pression du doigt…
et qu’il y a « Les Dix commandements du
bonheur »…
Révélez le manager qui est en vous-même
Conquérir le cybermonde c’est possible…
« Ceux qui aiment ne peuvent pas perdre « (c’est JP
Huchon président de la région Ile de France qui vous le dit)
Polochon! Notre président ! ils sont si fiers, eux les planqués des petites villes Bobos du Val d'Oise de n'avoir pas réussi à empêcher l'élection d'un président de région
qui dit être de gauche!!
et Surtout :
« Grands-mères un amour tendre et féroce » si elles n’étaient pas là que deviendraient-on ?
Pourtant l’on fuit vers la cafétéria avec un objet plat large et dense publié par l’université de Laval qui va tout vous apprendre sur « Internet utopie et désillusion » un titre qui ne provoque aucune poussée d’adrénaline. Sagement assise à une table, à côté d’une pile de BD haute comme le pic du Midi, je lis tout sur l’examen de L’IRC (Internet Relay Chat) et son fonctionnement.
Ma voisine, toujours brune vêtue d’un pull blanc, plus que jamais fourmi dans un verre de
lait, ne fait plus trembler la table ; elle prend peut-être un médicament ?
Que lit-elle ? « Hélène : j’ai commencé par
un joint ». C’est cela ! elle
s’est mise à je ne sais quel produit étrange et elle s’inquiète déjà. Visiblement elle est attirée par toute cette agitation qui fait ressembler le rayonnage « société » à une arène de cirque.
Le visage d’Hélène s’affiche en gros plan avec des lunettes énormes, et une coiffure savamment déstructurée. Hélène a dû payer cher sa perruque. Elle ressemble à Polnareff jeune avec le nez
tourné vers l’ouest.
J’apprend moi, des universitaires de Laval, que l’usager du Chat est sans
pouvoir : un luser ( lame user ou loser user) . Je sors mon carnet de vocabulaire.
Le Flooding : déversement d’un déluge de paroles. C’est ce qui se passe muettement sur le stand "questions de
société".
Et ce flot dingue n’est pas endigué organisé ni porté par une voix.
Le deuxième voisin est parti en emportant ses BD comme une pile de grands carreaux de plâtres. Pour éviter le flooding , essayer la commande « ignore » filtrer les messages de l’importun.
Hélène a commencé par un joint, et ma voisine poursuit par un sandwich dans lequel elle mort à belle dents ; une lutte s’engage entre elle et la
demi baguette récalcitrante tandis que la substance blanche et molle qui garnissait les deux tranches de pain s’en échappe et risque de tomber sur l’énigmatique visage à lunettes
noires et boucles artistement disposées d’Hélène qui a commencé par un joint.
« Kick : expulser l’importun . Commande « ban ». L’exclusion
permanente vous met en liste noire ( K-lines) si c’est sur le canal ou G-lines si vous êtes expulsé du réseau tout entier.
L’enfant qui naît est en G-lines et sitôt venu au monde il cesse d’être virtuel. ( A suivre)
L’enfant qui vient au monde cesse d’être virtuel et le redevient très vite, si le statut d’enfant le positionne en adulte en puissance. Ce n’est pas toujours le cas. Beaucoup considèrent l’enfance comme une valeur en soi.
Ce sont des robots qui filtrent les messages en premier tri grâce à un « script
répressif » ; ça doit se passer ainsi. Le censeur prend le relais.
Le livre me tombe des mains.
J’attaque « les nouveaux chiens de garde »de Serge Halimi, nouvelle édition actualisée et augmentée avec la préface déjà ancienne de Bourdieu.
Serge Halimi explique qu’en France les journalistes sont décidément trop proches du pouvoir, et lui
sont inféodés de telle manière que la liberté de la presse, quoique acquise depuis longtemps, demeure un vain mot. La quasi-totalité des organismes de presse ont appelé à voter oui au
référendum sur le traité européen rebaptisé « constitution », pour la plus grande confusion des citoyens.
Divorce relatif de certains journaux et de leurs lecteurs.
Ce mal-être inquiète les journalistes à tel point qu’ils réagissent en lançant moult discussions sur la liberté de la presse, de sorte que cela devient le thème à la mode ; cela devient un sujet de conversation comme un autre, des forums de discussion s’ouvrent, gouffres où l’on engloutit la parole pour la banaliser.
Bientôt on va en parler tellement que les usagers des médias, saisi d’overdose crieront « de grâce lâchez-nous les bottes, vite changez de sujet ! ». C’est ainsi que l’on a raison des questions les plus importantes.
Plus j’avance dans Serge Halimi, moins j’ai envie d’acheter le(s) quotidien(s) dont je fais l’acquisition deux ou trois fois par semaine, mais je pense aussi que je ne pourrais les remplacer par aucun autre.
Chaque organe de presse anciennement de gauche, a son lot de journalistes destinés à entretenir l'image de gauche du journal. L'auteur appelle ces journalistes faussement rebelles des " faux impertinents" .
Peut-on dire que Pierre Marcelle,par exemple,serait un "faux impertinent"? Ce serait pousser le bouchon un peu loin...
Ma voisine a changé de lecture elle aussi, maintenant, elle s’initie à la politique grâce à « Etre de droite : un tabou ? »
Il me semble qu’à présent le tabou c’est très largement, être de gauche, position considérée comme archaïque, débile, même plus intellectuelle : l’intellectuel autrefois de « gauche » s’est reconverti soit dans le centrisme, soit dans la religion, soit le libéralisme, quand il ne défend pas un extrémisme quelconque, quelquefois il se plaint de tout et en appelle à un nouvel humanisme et à la défense de valeurs mal définies. On ne se demande plus « ce qu’en pensent les intellectuels ».
D’ailleurs cette engeance est de moins en moins citée, en passe d’être remplacée par …le
Citoyen Lambda, le Consommateur, le Français de Base, le Français d'En Bas ?
le Français d'en bas il vit souvent au quinzième étage, ou au troisième sous-sol. Rarement, a t'il droit même, à un problématique rez de chaussée...
Tant pis, j’ai faim et je vais commander mollement les salades habituelles avec carottes
œuf dur et assaisonnement. Si seulement je réussis à enlever les agrafes qui maintiennent le couvercle au corps du récipient en plastique dur.
Pour finir, je feuillette Bardadrac, les Mémoires de Gégé, soit le
dictonnaire autobiographique de Gérard Genette , cet auteur dont j’ai appris, copié et récité les
« Figures » surtout le tome 3, dans le passé, pour l’obtention d’un concours. Ceci est un ouvrage de divertissement. L’éminent professeur
veut pratiquer l’humour pour parodier sa profession.
A « nativité » on lit à peu près ceci :
Les bergers et les mages grillent sèche sur sèche. Enfin Joseph sort de la crèche.
- Alors ?
- c’est une fille.
Continuez l’histoire.
J'ai retenu que Gégé avait fréquenté un collège à Pontoise, et que, le 7 juin 1942, jour de ses douze ans, les élèves
juifs avaient dû commencer à porter l'étoile jaune. Lui ( protestant alors) et certains de ses camarades ont voulu porter aussi l'étoile jaune par défi et révolte. Ils la portèrent, ce
jour-là uniquement, car les adultes sont intervenus...
Vive Gégé