L'histoire du devenir d'une usine de fabrication d'avions militaires à Chengdu, et de ses employés, à travers des témoignages d'ouvriers et d'enfants d'ouvriers sur plusieurs générations. Les premiers témoins sont nés dans les années 30, les derniers dans les années 80.
L'usine a fini par fermer, elle laissera place à des immeubles de bon standing. Elle est encore debout mais désaffectée...
Un premier ouvrier raconte comment il a appris à se servir d'un racloir, et à en faire bon usage, ce qu'il croit devoir à ses maîtres. Une réunion émue rassemble l'ancien ouvrier et son contremaître.
Dans les années cinquante, une femme est venue de Shangaï, encore très jeune , avec son mari pour travailler dans l'usine, un long périple, et a perdu son enfant dans la foule, au moment d'arriver...mais ils ont dû se refaire une vie.
Une quinquagénaire, raconte son quotidien de travailleuse à la chaîne, les licenciements qui leur sont tombés dessus, les petits boulots qu'elle effectue depuis pour faire vivre la famille.
Et c'est une autre femme qui se souvient qu'ils devaient tout à l'usine-mère, qui les nourrissait en leur donnant du travail. Mise également au chômage, elle soit demander l'aide de sa sœur...
Une autre femme à peine plus jeune, ( interprétée par l' actrice Joan Chen) surnommée Petite Fleur, témoigne de son sort de femme certes jolie et courtisée, mais condamnée à la chasse aux maris, interdite d'épouser au-dessus de sa condition, et qui finalement a renoncé à ce destin pour conquérir une certaine indépendance... un homme de quarante ans, évoque le monde de l'usine : une vraie ville, où l'on vivait en circuit fermé, qui avait ses écoles, ses commerces. Il n'osait pas s'aventurer au dehors. Le jour où il voulut couper ce cordon ombilical, les enfants qu'il rencontra à l'extérieur de l'usine manquèrent de le cogner...
Ensuite, viennent les témoignages des jeunes générations qui ne dépendent plus de l'usine. Un trentenaire qui débarquait avec son diplôme de technicien, s'est effrayé de devoir polir tous les jours des centaines de pièces à l'aide d'une meule. Il s'est débrouillé pour gagner sa vie autrement. La plus jeune interviewée, vingt cinq ans, est cadre commercial, et s'efforce de mettre de l'argent de côté pour acheter un appartement à ses parents dont elle mesure la souffrance physique et psychique au service de l'usine. Ce rôle est joué aussi par une actrice ( Zhou Tao).
Après coup, j'ai appris que toutes femmes qui témoignent sont des actrices, et que leur témoignage est en partie inventé ; la fiction est donc nettement plus présente qu'elle n'en a l'air au premier abord.
Entre deux témoignages, nous voyons l'usine, le travail sale et usant à différente époques, les logis auxquels les ouvriers sont affectés, pauvres et à peine salubres, les transformations, les maçons qui travaillent à édifier les futurs appartements, suspendus au-dessus du vide, sans aucune protection.
Nous voyons aussi les aléas de la vie collective, les ouvrières en train de chanter, de converser. Un groupe de femmes s'apprêter à jouer des scènes du « Rêve dans le pavillon rouge » de Xuequin.
Et au milieu du film tandis qu'une foule interprète l'Internationale, certains bâtiments de l'usine s'écroulent, en gros plan, pour laisser place à un nouveau chantier. Cet effondrement semble durer longtemps bien qu'il n'y ait pas de ralenti et la poussière jaune envahit progressivement tout l'écran.
Jia Zhang Khe montre un monde nouveau en train de naître, au prix de mille souffrances, chutes, destructions, comme dans « Still Life », le barrage des Trois- Gorges s'édifiait, en supprimant les logis de milliers de gens.
Un film politique et social d'une grande intelligence, plein d'émotion, toujours d'une belle esthétique.
On apprécie également dans le film, des extraits de poésie et des chansons, qui rythment l'ensemble, mais que je ne saurais plus identifier à l'heure
actuelle...