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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 13:53

Phébus, 2008. 265 pages.


La narratrice est sur son lit de mort, du moins l'espère-t-elle. Une jeune fille la veille, qui s'est endormie. C'est donc la mourante qui veille la garde-malade. Laquelle lui rappelle une autre jeune fille qu'elle a souvent vue dans sa chambre autrefois, une autre jeune fille dont le souvenir la hante, ainsi la vision de son frère qui venait la rejoindre dans cette pièce, en escaladant la fenêtre de cette chambre de célibataire,  qui pourtant, n'a pas été de tout repos.

 Rejoindre qui ?

 

Peu à peu les fantômes se mettent en mouvement et la femme revoit sa vie entière, par fragments, images qui surgissent, récits, hypothèses (les questions sans réponses l'ont en partie maintenue en éveil).

Elle descend d'une famille néerlandaise implantée en Afrique du sud depuis plusieurs générations.

Sa mère a beaucoup souffert « elle vient d'une famille de  nomades qui sillonnaient le Karoo...avec une carriole déglinguée, quelques chiens squelettiques, et un petit troupeau de moutons rongés par la gale... petit groupe de nomades désespérés dans le soleil hivernal » ; cette femme, ne l'aime pas, la tolère à peine, elle ne s'explique pas entièrement pourquoi ?

Elle nous donne son patronyme, pas son nom, ni celui de ses parents qui resteront Papa et Maman et la manière dont ils furent nommés dans les propos des voisins qu'elle fut apte à surprendre au cours de sa vie. Une vie qu'elle n'a pas vraiment vécue sauf par procuration. «  Jakob, Pieter et moi-mais de moi que dire ?- ... nous avion hérité de la nature passionnée et du tempérament de Maman, mais tandis que les garçons n'avaient jamais appris à brider leur caractère ni à dissimuler leurs sentiments, l'on m'enseigna de bonne heure à rester tranquille, à obéir, et à accepter tant et si bien su les sentiments se sont recroquevillés tout au fond de moi et ont proliféré sous la surface »

 

Nous entrons dans l'intimité de cette femme qui n'en a jamais eu nous dit-elle. Vivant dans l'ombre de ses parents, et même des domestiques,  seulement «  tolérée » ayant «  le gîte et le couvert » à condition de participer aux travaux du ménage, et de ne se mêler de rien, de ne rien réclamer..., elle  a survécu, et compare le savoir qu'elle a accumulé «  au renflement de la terre qui révèle les routes cachées le long desquelles la taupe a creusé son tunnel ».

 

A défaut de s'entendre avec les gens, la narratrice a beaucoup aimé la pays où elle a toujours vécu et le célèbre avec lyrisme

«  Pays pauvre, pays rude pays chéri. Comment ai-je pu vivre ici toute ma vie sans jamais te regarder ou si peu, me contentant de temps à autre de coups d'œil furtifs, qui m'ont laissée inassouvie, brûlant du désir de te revoir ? Pays impitoyable... où le chat sauvage déchiquette le mouton et où l'aigle fond sur l'agneau.. Pays de lumière, pays gris aux reflets argentés qui s'éloigne de moi dans la nuit : émerveillée, je contemple la branche d'auryop étincelante dont les feuilles en spirales touffues capturent le reflet de lumière... et les rochers brillants d'un éclat terne sur les crêtes »...

 

 

Si cette femme a vécu si peu, elle le voit comme un destin, aggravé par la traumatisme qui la frappa encore presque enfant : la fascination exercée sur elle par le couple de son frère Pieter et sa belle-sœur Sofie, en particulier le jour du bal donné pour le mariage de Sofie avec Jakob, son véritable époux. «  Sans se préoccuper le moins du monde de l'absence de Jakob...Sofie dansa toute la nuit... mon frère Pieter tout aussi infatigable qu'elle,  lui servait de cavalier. Toute la soirée les invités admirèrent la souplesse de son corps tandis qu'il évoluait... Pieter en bras de chemise et Sofie dans sa robe étincelante de satin noir, réunis dans le nuage de poussière que les pieds des danseurs soulevaient ... réunis dans la lueur dorée des bougies finissantes... réunis dans un rêve tandis que dans un coin une enfant observait, écoutait se souvenait ».

 

Il y a un quelque chose de Lol V Stein chez cette narratrice non nommée, bien que l'écriture de Karel Shoeman n'évoque en rien celle de Marguerite Duras.

Le couple qui la fascine, semble s'être donné rendez-vous dans sa propre chambre ( elle ne sait pas si elle l'a rêvé ?), elle se vit comme spectatrice incognito de leurs étreintes , ils s'enfuient, soupçonnés de crime ; la narratrice fuit aussi dans le veld, perd l'esprit, tombe malade et se réveille longtemps après. Par la suite, elle cherchera encore et toujours à  retrouver les traces de Sofie et Pieter, des lieux où elle suppose qu'ils se réfugièrent. Cette absence à sa propre vie, dont elle sauve cependant la faculté de réfléchir de s'émerveiller, de profiter de précieux instants de solitude, elle ne la regrette pas : elle n'aurait pu vivre quelque chose d'aussi remarquable  que Pieter et Sofie. Seuls, de minables mariages de raison lui étaient promis...

 

Merci à Dominique qui m'a donné l'idée de lire ce beau livre.

 

   

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commentaires

K
<br /> C'est par ton billet d'aujourd'hui que je réalise que tu as lu ce livre (oh ma tête!). Je l'ai aussi lu, mais récemment, finalement on lit des livres à un certain moment, pas à d'autres, et là<br /> c'était son moment. Une très belle lecture!<br /> <br /> <br />
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<br /> C'est Dominique ( A sauts et à gambades) qui m'a convaincue de lire Schoemann et ce fut un plaisir ! j'enai lu deux cette année<br /> <br /> <br />
D
Je suis heureuse que la lecture vous ait plu , pour moi c'est une de mes meilleures lectures cette année, les autres livres de Schoenman sont très bons aussi
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E
Pas lu celui-ci.Mais j'ai été emballé par Retour au pays bien-aimé et La saison des adieux,que j'ai chroniqués  précédemment.
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<br /> Ah je ne savais pas que vous lisiez cet auteur, sinon je vou aurais mis un lien. Je ne connais pas encore assez bien votre blog!<br /> <br /> <br />

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