Au Diable Vauvert,
2005, première parution aux USA en 1995.
Le parcours de deux garçons, qui ont été victime d'actes pédophiles à l'âge de huit ans dans une petite ville du Kansas, Hutchison. Le criminel fut leur entraîneur de base-ball.
Les deux histoires sont contées en narrations alternées.
Brian Lackey ne se souvient de rien sauf de grands trous noirs au moment des agressions. « cinq heures ont disparu de ma vie » . Et, à 19 ans, il enquête pour savoir ce qui lui est vraiment arrivé. Victime d'énurésie, d'évanouissements inexpliqués, vivant seul avec sa mère divorcée, sans vie sexuelle ni sociale, il entretient un délire qui consiste à croire que pendant ces « absences » il a été victime d'agressions de la part d'extra-terrestres. Une jeune fille, Avalyn, a vécu les mêmes choses et l'accompagne dans son enquête.
Immature, névrosé, mais pas stupide, il finit par renoncer à son explication délirante, et se lancer dans une vraie recherche qui le mène vers Neil Mc Cormick un gamin de son âge qui jouait aussi au base-ball avec lui....
Neil Mc Cormick l'autre victime, se souvient très bien, de ce qui lui est arrivé. Il s'est laissé séduire par l'entraîneur sans difficulté, et éprouvé pour lui le sentiment amoureux. Il vivait dans une atmosphère de relâchement sexuel, sa mère qui l'élevait étant alcoolique et nymphomane. Il appréciait les hommes vus sur ses magazines à elle.
Mais de là à franchir le fossé du fantasme à la réalité... ??
Nous comprenons que l'entraîneur a représenté pour lui une figure paternelle valorisante.
Il décrit bien, mais trop longuement les scènes qu'il vécut avec cet homme.
Le voilà aussi à 19 ans, délinquant, drogué( mais pas à mort), et prostitué aussi... c'est par l'intermédiaire d'Eric, un de ses amis, qu'il va enfin rencontrer Brian et lui raconter tout.
Ce roman est écrit assez correctement, mais pas suffisamment pour être une œuvre d'art, et même trop long pour un bon roman. Même chez un auteur tel que Jean Genet, dont les ambitions littéraires sont réelles et assumées, les scènes de sexe m'ennuient vite.
Ici, le talent de l'auteur, moyen, ne lui laissait d'autre choix que le témoignage à visée sociale. Mais dans ce cas, il n'aurait pas dû s'étendre aussi longuement sur certains détails.
Les scènes de sexe sont trop longues, des suggestions ou quelques notations courtes eussent fait plus d'effet. Je ne vois nul intérêt à parler aussi abondamment de la vie de prostitué de Neil. Ce sont toujours les mêmes descriptions et le récit progresse peu ; sauf lorsqu'à la fin, il reçoit une raclée de la part d'un client (encore une fois il y a trop de détails inutiles pour que l'on s'émeuve, mais assez pour que l'on se dégoûte).
Trop long aussi les récits de Wendy et d'Eric, personnages utilitaires sans plus. Cinq six pages pour chacun aurait suffi. Les portraits de ces deux adolescents n'ont rien qui sorte de l'ordinaire...
L'enquête de Brian sur son passé est carrément assommante, lors de ses détours par les ovnis et extra- terrestres ! On croit difficilement que des jeunes de vingt ans puissent adhérer un seul instant à de telles sottises! J'avoue avoir passé des pages sur sa relation avec Avalyn.
Les jeunes gens vivent dans un milieu social évidemment défavorisé, avec des parents, soit délinquants eux-mêmes, soit indifférents, soit bizarrement naïfs ( la mère de Brian, celle de Neil aussi d'ailleurs, qui sont surtout bonnes cuisinière, mais rien de plus...). D'ailleurs ce même Brian, saisi d'un accès de lucidité, se dit que si ça se trouve, elle sait tout, sa mère, mais préfère n'en pas parler. J'aurais aimé que l'on insiste sur ces non-dits car c'est là un aspect capital : que savaient ou soupçonnaient réellement les adultes, qui n'ont rien dit et pourquoi ? On ne sait rien non plus du vrai coupable, jamais appréhendé.
Et le témoignage à visée sociale se devait de faire intervenir un narrateur disant ce qu'il pense de la situation, en plus des récits des deux garçons.
Malgré tout, pour l'aspect documentaire, j'aime assez le récit des festivités d'Halloween chez les enfants ; la description en est vivante et soignée.
Si l'histoire était moins longue, elle pourrait se poursuivre utilement là où elle s'arrête, là où les deux garçons, réunis par la parole, pourraient envisager une nouvelle vie.
Mais cela n'intéresse pas forcément l'auteur. Je ne sais pas ce qu'il a voulu faire !
Ce roman est conseillé par Ys, qui a éveillé mon attention.
J'ai exploré le site des éditions Au Diable Vauvert, où le roman a été publié en français. Les critiques
sont élogieuses, on parle de poésie, de représentation réaliste de l'adolescence.
Je n'y ai pas été très sensible, tant pis!