11 juillet 2006
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19:11
Le démon
de minuit.
Fritz Lang : Le Femme au portrait (The Woman In The Window) film de 1944.
Richard Wanley ( Edward Robinson) est professeur de psychologie criminelle : l’incipit le montre en cours expliquant le rôle de la culpabilité dans l’homicide. Le
nom de Freud est écrit au tableau. Est-ce un film didactique ? Cette séquence dure une à deux minutes. Fondu au gris.
On retrouve Richard buvant un verre avec deux amis : Edmond est médecin et Frank inspecteur de police. Ils ont cinquante ans et parlent en plaisantant du »démon de
midi » à propos d’un tableau vu dans une vitrine montrant une femme jeune avec un beau décolleté. La nuit est tombée, chacun regagne son logis, Richard sort voir la vitrine et jette un coup d’œil
au portrait : ce n’est pas une œuvre d’art mais il le détaille à loisir. Soudain une femme réelle( Joan Bnnett) apparaît, ( hors de la vitrine) la trentaine séduisante, et lui demande du feu.
Richard, qui lui trouve un ressemblance (très contestable) avec le portrait s’enhardit : est-elle qui a posé ? Que pense-t-elle de l’image ? C’est, répond-elle, le type d’image qui mérite un
sifflement ( « whistle » ) mais vous n’êtes pas homme à le faire.
Défié, Richard se rend chez elle et y prend un verre. L’appartement est cossu douillet et orné d’objets plus ou moins clinquants mais coûteux. Une femme entretenue.
Richard voudrait bien que quelque chose se passe mais il ne sait pas y faire. On échange des banalités. Lorsque l’on sonne, elle va ouvrir sans hésiter. Un homme en gabardine, l’air d’un rustre,
entre précipitamment et sans manifester la moindre surprise, fonce vers Richard assis sur le canapé et lui demande rudement ce qu’il fait là. Avant qu’il n’ait pu ouvrir la bouche l’adversaire le
met à terre et commence à l’étrangler. La jeune femme lui lance une grande paire de ciseaux avec quoi il est contraint de tuer le gêneur. il est décidé que Richard va se débarrasser du corps.
Sans rien savoir de la jeune femme ni de l’intrus ( qu’elle a désigné comme « Frank Howard en soulignant que ce nom était sûrement faux) un intrus nous a paru bien peu propre à entretenir cette
femme.
Richard part avec dans le coffre le cadavre enroulé dans une couverture, pour l’abandonner dans un bois, processus classique minimal pour se défaire des cadavres.
Le chemin est fort long, Richard passe le péage en oubliant de payer se fait arrêter plusieurs fois, songe au mort que l’on aperçoit en de brèves séquences, les yeux ouverts dans le coffre et
semblant réfléchir.
Le lendemain : Frank, l’ami flic, commente la disparition de Claude Massard , célèbre homme d’affaire. Richard reconnaît son adversaire ( qui ressemblait fort peu à
un homme d’affaires ni par son apparence ni par son comportement). Il ne cesse de se trahir parlant de meurtre avant le flic, montrant sa main blessée par les égratignures des ronces et les
barbelés du bois et inventant sur le champ une explication rocambolesque qu’on ne lui a pas demandée. Le corps est rapidement retrouvé et le filet semble se resserrer autour de Richard. Frank
plaisante sur les coïncidences mais Richard , terrifié et ne pouvant le cacher ,ne le croit pas dupe.
Un maître chanteur se manifeste comme toujours dans ces cas-là ; le « gorille » de Massard. La jeune femme dont nous savons le nom maintenant ( Alice Reed) le
laisse entrer sans méfiance. Comme Richard est son complice, elle prend contact avec lui. Ils décident de se débarrasser du type. Alice doit réussir à l’empoisonner en lui servant un whisky
lorsqu’il viendra chercher l’argent, non sans flirter pour donner le change. La manœuvre échoue. Alice rappelle Richard . Sonnerie qui retentit longuement près d’un Richard assis inconscient dans
son fauteuil, et que nous avons vu absorber une forte dose du médicament prescrit par son ami médecin. A côté de lui, trônent les portraits d’une femme et de deux enfants ( sans doute les siens)
qu’il a regardé plusieurs fois au cours du film, alors qu’il se tenait à cette même place.
Richard se réveille, toujours assis dans son fauteuil ; la sonnerie était celle de la porte d’entrée : ses amis le bousculent, il est en retard pour son cours. En
sortant, il sourit en reconnaissant dans l’employé du vestiaire l'aspect qu’il avait attribuée dans son rêve à l’ « amant » d’Alice. Et le groom de l’hôtel qui a servi de modèle pour le maître
chanteur.
Richard passe à nouveau devant la vitrine et observe le portrait qu’une étalagiste ( peut-être la femme du rêve) déplace. ( je ne saurais dire ce que l’on vend dans
ce magasin). Puis une femme apparaît , apparemment réelle, une blonde qui lui réclame du feu. Richard s’éloigne sans la satisfaire.
On ne devine pas qu’il s’agit d’un rêve même si les invraisemblances sont assez nombreuses. Si l’homme qui fait irruption chez Alice ne colle pas avec l’idée qu’on
se fait d’un financier amant d’un femme entretenue, et si son comportement est peu compréhensible (Richard ne flirtait même pas), on imagine une autre identité pour cet homme, on cherche à
expliquer pourquoi Alice l’a immédiatement fait rentrer, bref on cherche des explications et l’in fait des hypothèses…
C’est en réalité un film ironique. L’ »inconscient » de Richard a fabriqué un scénario policier exemplaire pour un débutant dans le crime, scénario qui amuse avant
même que l’on ne sache qu’il s’agit d’un rêve. Richard est rongé lui-même par la culpabilité sur quoi il disserte à longueur de temps.
On pense au poème de Baudelaire « Le mauvais vitrier » dans « Petits poèmes en prose » : le narrateur s’y plaignait de ne pouvoir
fantasmer avec le type de fenêtre qu’il avait devant les yeux.
ll lui aur ait suffi d’arpenter la rue à la recherche d’une vitrine bien achalandée.
ll lui aur ait suffi d’arpenter la rue à la recherche d’une vitrine bien achalandée.